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En Inde, le fascisme du roi Modi
#inde #modi #extremedroite #repression
Article mis en ligne le 15 août 2023
dernière modification le 14 août 2023

Cela fait cinq ans que la militante indienne Shoma Sen est emprisonnée sans avoir eu droit à un procès. Comme des milliers d’autres, elle fait les frais de la montée en puissance d’un gouvernement de plus en plus souvent qualifié de fasciste.

(...)

Shoma a été arrêtée aux premières heures du 6 juin 2018, jour de ses 60 ans, « par un impressionnant cordon de policiers qui ont envahi le bâtiment, bloquant tout l’escalier », m’avait décrit son mari Tushar, les yeux encore humides d’émotion. Elle fait partie des seize inculpé·es de Bhima Koregaon, accusé·es d’avoir organisé un rassemblement pour déstabiliser le pouvoir1 mais aussi, excusez du peu, d’avoir planifié l’assassinat du Premier ministre indien, Narendra Modi. Elle est aussi soupçonnée d’être membre du parti maoïste, interdit et lié à la guérilla armée active dans les forêts du nord-est de l’Inde2. (...)

Les lois antiterroristes particulièrement sévères du pays ne laissent presque aucune chance de libération sous caution : seul·es trois parmi les seize l’ont obtenue. Pour les autres, parmi lesquels on compte des intellectuel·les, des avocat·es, des artistes, ou encore des activistes pour les droits humains, les juges enchaînent les refus de remise en liberté. À sa plaidoirie de juin, l’avocat de Shoma rappelait que les preuves n’étaient pas suffisantes pour maintenir la détention, soulignant que les documents qui l’incriminaient avaient été introduits par le logiciel espion Pegasus. Le juge est resté inflexible. Les autorités prétendent devoir auditionner 200 témoins avant le début du procès… (...)

Au cours de mes séjours en Inde, j’ai dormi plusieurs fois au domicile de Shoma, à Nagpur, une ville du centre du pays, où elle était directrice du département d’anglais d’une petite université publique. J’en garde un souvenir doux et chaleureux, entre les plats de poisson bengali et les films sur le canapé à fumer des cigarettes. Shoma a vite rejoint ma constellation intime de ces femmes puissantes qui me guident : dès l’université, elle passait son temps dans les quartiers ouvriers, à faire de l’aide scolaire ou soutenir les grévistes des usines voisines. Plus tard, à Nagpur, alors que son mari s’absentait longuement, elle s’est montrée solidaire de nombreux combats – même seule avec sa fille à élever ! Mobilisations contre des atrocités commises contre les dalits, campagne contre les violences faites aux femmes, aide logistique aux habitant·es des forêts voisines, et j’en passe. Shoma n’était pas une cheffe, son soutien se situait ailleurs, dans l’écriture d’un texte, dans l’accueil d’une jeune femme qui fuyait sa belle-famille violente. Est-ce cela qui fait peur au pouvoir ? (...)

L’étudiante musulmane Gulfisha Fatima croupit en prison depuis trois ans, tout comme le militant Umar Khalid. « Ils ont si peu de preuves qu’ils retardent au maximum le procès », m’expliquait l’artiste et écrivain Shuddhabrata Sengupta qui suit de près le dossier. Lors de ces journées de février 2020, Umar Khalid avait appelé plusieurs fois à la « paix » mais, selon le régime, il fallait entendre « violence »…

Lorsque le pouvoir en est à inventer des preuves pour maintenir les dissident·es sous les verrous, vers qui se tourner ? La Cour suprême ? Un espoir qui tient à peu de choses tant cette instance indépendante, qui a pourtant bâti sa réputation à coup de jugements progressistes, a multiplié les verdicts terriblement complaisants avec le pouvoir ces dernières années.