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En Guyane, l’orpaillage illégal s’intensifie pendant la pandémie
Article mis en ligne le 5 avril 2020

« C’est très, très tendu. » Anawaike Pinkali, porte-parole et petit-fils du Gran Man Amaï Poti Twenké — chef suprême des Amérindiens wayanas — résume la situation actuelle sur le Haut-Maroni, fleuve-frontière entre la Guyane et le Suriname. Depuis deux semaines, début du confinement dû au coronavirus, l’eau du fleuve se salit à vue d’œil selon les habitants, et les allées et venues de pirogues d’orpailleurs clandestins se multiplient, y compris la nuit. Les garimpeiros, profitant de la crise sanitaire et de la faible présence de militaires français sur le fleuve, ont intensifié leur activité et se sont rapprochés des villages. La réaction des Wayanas, très ferme, ne s’est pas fait attendre.

Et pour cause : lourde pollution de l’eau et des poissons au mercure, pression accrue sur le gibier en forêt, sentiment d’insécurité... Alors que le fléau de l’orpaillage illégal pèse sur les habitants du fleuve depuis plus de vingt ans, les autochtones redoutent maintenant la propagation accélérée du virus via l’activité des orpailleurs, pour la plupart brésiliens. Un cas a déjà été diagnostiqué à Maripasoula, la ville la plus proche, base-arrière logistique de l’orpaillage illégal. « Les Brésiliens font un peu n’importe quoi, ils ne respectent pas le couvre-feu [décrété par le préfet, de 21 h à 5 h, jusqu’au 15 avril] et ne font pas les “gestes-barrière”, dit Anawaike. Et les Amérindiens sont des gens à risques : il y a beaucoup d’Amérindiens atteints de diabète », et donc plus vulnérables au Covid-19. (...)

la préfecture, alertée des intentions des Wayanas, a réagi et envoyé des gendarmes sur place, lundi 30 mars, pour se réunir avec les autorités coutumières et des militaires surinamais. L’option d’un barrage total a été rejetée par les gendarmes : elle nécessiterait une coopération complexe avec le gouvernement du Suriname. L’option d’un « poste de contrôle » a été alors proposée. Mais les chefs coutumiers « sont très, très déçus, explique Anawaike. Ils voulaient faire ce barrage pour bloquer le Covid-19. » (...)

La colère est telle que certains habitants menaceraient « d’armer les Wayanas », situation qui s’est déjà produite en 2013 quand un groupe d’Amérindiens avait intercepté d’eux-mêmes des garimpeiros et saisi leur matériel. (...)

Quant aux militaires surinamais, malgré leur présence lors des réunions, leur implication réelle ne laisse personne dupe et les Wayanas ont peu d’espoir en une coopération transfrontalière. (...)

Vu la profusion d’armes dans la région, le nombre d’orpailleurs clandestins, dont le nombre est estimé autour de 2.000, et l’incident de 2013, la situation pourrait déraper.

Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien affluent, notamment en provenance des autres peuples amérindiens de Guyane comme les Kali’na ou les Wayãpi. (...)

D’autres actions s’organisent également pour pallier les manques causés par la pandémie. La crainte d’une pénurie alimentaire s’est fait entendre à Maripasoula, ville où les Wayanas font leurs provisions. Certains habitants redoutent que les garimpeiros viennent piller les abattis — cultures sur brûlis — si le cas se présente. (...)