
Pendant plusieurs jours, une usine de Lactalis, le numéro un mondial du lait, a rejeté du lactose dans la Seiche. Quatre tonnes de cadavres de poissons ont été ramassées dans cette rivière presque « morte » à cause de cette pollution.
(...) « Il y a quelques jours ici, on se serait cru dans une série policière, raconte Jérémy Grandière, président de la fédération de pêche d’Ille-et-Vilaine, la route était barrée, trente personnes en combinaison blanche ramassaient à l’épuisette les cadavres. » (...)
À huit kilomètres en amont de la rivière, une grille évacue de l’eau en provenance de la station d’épuration du site laitier de Lactalis. Selon la préfecture, la pollution a commencé le 18 août ; selon la direction départementale de la Cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), c’était le 21 août. Une certitude : un accident s’est produit dans l’usine de Lactalis, du lactose s’est déversé dans la station d’épuration du site, qui a rejeté le tout dans la Seiche. Ce n’est pas une eau claire qui en sortait, mais une eau blanche, chargée de lactose. Et les poissons sont morts en masse. Le seuil à ne pas dépasser pour que la rivière puisse absorber des apports extérieurs est fixé à 45 mg/l ; au pic de la pollution, on a atteint 240 mg/l, selon la DDCSPP.
À cela s’ajoute l’alerte sécheresse qui frappe le département depuis le mois de février : le niveau de la rivière est au plus bas et les concentrations d’autant plus fortes.
Le lactose est une matière organique qui consomme de l’oxygène pour se décomposer, au détriment de la faune de la rivière. « Ce sont les gros poissons qui sont morts en premiers parce qu’ils ont besoin de plus d’oxygène que les autres, explique Jérémy Grandière. On a même vu des écrevisses se déplacer vers les champs pour essayer de survivre. » (...)
Le directeur départemental adjoint de la DDCSPP, Gilles Fièvre, assure qu’après sept jours de pollution, les taux sont redevenus normaux, qu’il s’agisse de la teneur en oxygène ou de la concentration de résidus de lactose. « Nous allons bientôt autoriser Lactalis à reprendre ses activités normalement », explique le fonctionnaire. Pour parvenir à ce résultat, il aura fallu augmenter le niveau d’eau de la rivière en l’alimentant avec l’étang voisin de Marcillé-Robert, réoxygéner la rivière et serrer le robinet de la station d’épuration de Lactalis, qui ne pouvait plus rejeter 3.000 m³ d’eau par jour, mais 700.
« Nous voulons des garanties pour qu’il n’y ait pas un nouvel accident »
La Fédération de pêche d’Ille-et-Vilaine ainsi que les associations Eaux et rivières de Bretagne et Vitré Tuvalu ont porté plainte contre Lactalis. La préfecture assure qu’un procès-verbal pour non-respect du code de l’environnement sera rédigé puis transmis à la justice. Mais selon les associations, Lactalis, numéro un mondial du lait dont le siège se trouve en Mayenne, à 60 kilomètres d’Amanlis, a tardé à réagir. (...)
« On aurait pu agir bien avant, limiter la mortalité, mais non, il a fallu attendre près d’une semaine avant que Lactalis et la préfecture réagissent, raconte le président de la fédération de la pêche, mais une fois qu’ils ont réagi, ils ont été très professionnels », concède-t-il. (...)
Lactalis a déjà reconnu sa responsabilité dans cet incident qui a causé la mort de centaines de poissons ; mais pour les associations, il faut que cette catastrophe ne puisse plus se reproduire. « Nous voulons des garanties pour qu’il n’y ait pas un nouvel accident, explique Jérémy Grandière, pour que les entreprises et la préfecture soient plus réactives. On aurait sans aucun doute pu éviter que la pollution s’étende sur huit kilomètres et qu’elle tue autant de poissons. » (...)
Dès que l’on demande aux habitués de la rivière comment se comporte cet imposant voisin du haut de ses 17,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et dont le patron, Emmanuel Besnier, n’est autre que la 8e fortune française, la parole se scelle, le micro doit s’éteindre. (...)
« On a peut-être ramassé quatre tonnes de cadavres, mais ce n’est pas fini, ce n’est pas un retour à la normale, assène Jérémy Grandière, le président de la fédération de pêche départementale. Le fond de la rivière est tapi de poissons en putréfaction et on ne peut pas les ramasser. (...)"
« Nous avons trouvé des ragondins morts, alors qu’ils peuvent respirer dans l’eau et à terre. Nous ne savons pas pourquoi ils sont morts et attendons les résultats d’analyse pour être sûrs que ces décès ne cachent pas un autre problème. » (...)