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Le Monde
En Birmanie, les femmes s’engagent dans la « révolte des pagnes » face aux militaires
Article mis en ligne le 13 avril 2021

Aux premiers rangs des manifestants protestant contre le coup d’Etat militaire du 1er février, les Birmanes défient aussi, par leur résistance, la culture patriarcale du pays.

Peu de temps après l’émergence du mouvement de résistance et de désobéissance civile qui a suivi de près le coup d’Etat militaire du 1er février, certaines rues de Rangoun ou d’autres villes de Birmanie se sont parées d’étranges drapeaux, flottant sur des fils tendus au-dessus de la chaussée tels des vêtements sur une corde à linge. En fait, tel était – presque – le cas : ces pièces de tissus se balançant dans la fournaise précédant la saison des pluies étaient des htamain, les longs pagnes dont se pare la gent féminine au Myanmar.

Une fois de plus, la rue birmane a fait preuve d’une remarquable créativité dans sa lutte contre l’oppresseur, ces policiers et soldats qui ont, à ce jour, tué plus de 600 manifestants. Sans compter les disparus, les estropiés, les torturés, les emprisonnés. Et cette fois-ci, la palme de l’originalité revient aux femmes. Les résistantes ont trouvé un moyen simple et éprouvé de ralentir la phalange de policiers s’avançant à la rencontre des manifestants dans les moments de batailles rangées : tendre au-dessus de leurs têtes des htamain. (...)

Marcher sous des vêtements féminins est en effet considéré par les mâles comme de mauvais augure dans la très patriarcale Birmanie. Si par hasard un homme passe sous des « jupes » en train de sécher dans les jardins, il prend le risque d’affaiblir son hpon, notion un peu difficile à traduire mais signifiant, grosso modo, « pouvoir », évidemment associé à celui du pouvoir masculin. (...)

Cette « révolte des sarongs » a donné lieu à des scènes cocasses qui, en dépit du tragique de la situation, ont provoqué une saine hilarité sur les réseaux sociaux : des policiers en train de décrocher les htamain avant de charger la foule. Ailleurs, certaines femmes ont été encore plus loin dans la provocation, se risquant à bousculer tous les codes de la bienséance et de la pudeur dans la pudibonde Birmanie : celles-là ont osé suspendre leurs soutiens-gorge et des serviettes périodiques sur les barricades (...) Sur chacune d’entre elles est délicatement apposée l’image du putschiste en chef, le général Min Aung Hlaing, numéro un de la junte. (...)