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En Argentine, les petits paysans se battent pour le droit de vivre
Article mis en ligne le 31 janvier 2020
dernière modification le 30 janvier 2020

L’Argentine compte environ 200.000 familles de paysans, qui produisent près de 80 % des légumes consommés dans le pays. Pourtant, « la culture prédominante des grands propriétaires fonciers rend invisibles les petits producteurs », déplore Matías Bohl, référent de la Fédération nationale paysanne (FNC, Federación Nacional Campesina). La communauté guaranie d’El Pato ne ressemble en effet en rien à ce que les Argentins appellent « el campo », une agriculture présentée comme une entité homogène qui cultive des céréales et des oléagineuses sur des milliers d’hectares et exporte sa production aux quatre coins du monde. Un secteur qui contribue au PIB à hauteur de 18 %, représente 61 % du total des exportations et rapporte des dollars, dans un pays qui souffre d’une hyperinflation récurrente.

« Le discours officiel décrit un secteur qui réussit, mais c’est un secteur qui expulse des producteurs »

C’est cette agriculture que Mauricio Macri, qui a gouverné l’Argentine de fin 2015 à fin 2019, a souhaité soutenir afin de faire de l’Argentine le « supermarché du monde ». Réduction des taxes à l’export, suppression du contrôle des changes… Ces mesures ont entraîné une hausse considérable de la production agricole, devenue extrêmement dépendante de la demande extérieure (...)

Une capitalisation de l’agriculture qui n’est pas nouvelle, et ne cesse de repousser la frontière agraire.

L’agriculture argentine connaît depuis des décennies un phénomène de concentration économique et d’érosion de l’agriculture paysanne au profit des grandes cultures : au cours des trente dernières années, près de la moitié des exploitations ont disparu. (...)

Beaucoup de paysans expulsés décident de rejoindre les grandes villes, contribuant ainsi à l’augmentation de la pauvreté et de la faim, dont souffrent environ 15 millions de personnes. Avec un taux de pauvreté qui a dépassé le seuil des 40 %, l’Argentine a terminé l’année 2019 en proie à l’une des pires récessions de son histoire. (...)

En réaction à la politique de l’ancien président, « la lutte paysanne s’est intensifiée au cours des quatre dernières années », confirme Matías Bohl, contribuant à rendre visible la situation de ces communautés. Ricardo Caceres, un autre membre d’Asoma, se souvient de la première fois que les « medianeros » sont allés manifester en ville : « Les gens pensaient que nous étions des vendeurs de chaussettes [medias en espagnol] », s’amuse-t-il encore. En mai 2019, la cause paysanne a connu un tournant avec le premier Forum national pour un programme agraire souverain et populaire, qui a rassemblé plus de 3.000 personnes de 70 organisations autour des slogans « Pas un paysan de moins », « Aliments sains et accessibles pour le peuple » et « Des terres pour produire ».

Autre événement majeur : la victoire d’Alberto Fernández aux élections présidentielles, le 27 octobre 2019. « Le modèle productif va rester le même, mais nous espérons que le nouveau président freinera son expansion et promouvra une agriculture plus durable », dit Matías Bohl. Il espère également que celui-ci mettra en place l’impôt progressif promis lors de la campagne et que les organisations paysannes réclament depuis longtemps. Ces dernières demandent également la création d’une « banque de la terre » et l’obligation pour les services publics de s’approvisionner à hauteur de 20 % auprès de petits producteurs. (...)