Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
observatoire des inégalités
Éducation : les politiques territoriales servent-elles à quelque chose ?
Article mis en ligne le 14 mai 2017
dernière modification le 11 mai 2017

Comme souvent en France, la multiplication des annonces et des dispositifs masque une incapacité à agir. En matière d’éducation, les politiques territoriales n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Par Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Extrait de la revue Constructif.

La politique de la ville a-t-elle un impact en matière de réussite scolaire ? Soyons clairs : on ne sait pas vraiment le mesurer. La complexité des dispositifs, leur multiplication et l’enchevêtrement avec la politique d’éducation prioritaire [1] rend impossible une évaluation globale. « Programmes personnalisés de réussite éducative » (Éducation nationale) et les « programmes de réussite éducative » (politique de la ville) coexistent, avec les réseaux d’aides spécialisées, l’accompagnement éducatif, les parcours d’excellence, les internats de la réussite, etc. Seuls quelques experts peuvent comprendre quelque chose à cet enchevêtrement et savoir ce qui s’y passe [2] .

Doit-on pour autant fermer les yeux ? À dire vrai, en matière d’éducation, la politique de la ville en France ne coûte pas bien cher au contribuable. À ce titre, l’État a débloqué pour 2016 une centaine de millions d’euros : une goutte d’eau par rapport aux 65,2 milliards d’euros du budget annuel de l’Éducation nationale. Ce serait oublier le principal : les difficultés des élèves. À l’entrée en sixième en 2011, 21 % des élèves avaient déjà un an de retard dans les quartiers de la politique de la ville, contre 12 % en moyenne pour l’ensemble de la France [3]. Il existe une question sociale majeure, à laquelle les politiques publiques doivent répondre.

La « réussite scolaire » en échec

On dispose néanmoins de quelques éléments de réponse ; notamment une évaluation récente du Programme de réussite éducative (PRE), menée par l’Institut des politiques publiques [4]. (...)

Pour les auteurs de l’étude, les effets du dispositif restent minces : « Sur le plan scolaire, les élèves bénéficiaires d’un parcours connaissent une évolution moins favorable dans certaines dimensions de la motivation pour l’école, mais leurs compétences en mathématiques et français évoluent de manière similaire au groupe témoin. On constate néanmoins une amélioration de l’assiduité scolaire significativement plus forte chez les bénéficiaires que chez les élèves témoins ». On peut contester les résultats de ce type d’étude tant il est difficile de mesurer l’ensemble des effets : toujours est-il que le PRE n’a pas, à l’évidence, un impact déterminant sur les résultats scolaires. Pour une raison que soulignent les auteurs de l’étude : les moyens dont il bénéficie, 850 euros par élève, sont très faibles. (...)

Si l’on veut inverser le cours des choses, il faut « mettre le paquet », ce que la France se garde bien de faire. Le programme lui-même devrait être revu selon les auteurs de l’étude : « Ces actions sont souvent des activités sportives, des séjours en centres de loisir, du soutien scolaire, bref des actions offertes sur le territoire par différents acteurs, mais qui n’ont pas été développées spécifiquement en vue de ce public en grande difficulté ».

L’exemple du PRE est une illustration de la politique de lutte contre l’échec scolaire en France. Autant notre pays a su débloquer des moyens pour le logement et la rénovation urbaine, autant ses efforts ont été limités dans d’autres domaines, notamment en matière d’éducation. (...)

Pourquoi ces dispositifs ne marchent-ils pas ? Côté moyens, l’éducation prioritaire, comme les PRE à une autre échelle, n’a pas de quoi faire la différence. Au primaire, on ne compte que sept équivalents temps plein enseignants de plus pour 1 000 élèves dans les établissements de l’éducation prioritaire et 13 en collège. On compte 22,5 élèves par classe dans les réseaux d’éducation prioritaire contre 24 dans les autres écoles, 21,8 contre 24,9 au collège [6]. L’écart est insuffisant, comme l’indique l’étude de référence sur le sujet [7]. Surtout, il serait possible de faire beaucoup mieux : « une forte politique de ciblage (réduction supplémentaire de cinq élèves des tailles de classe en ZEP, à moyens constants) conduirait à une réduction supplémentaire de 46 % de l’inégalité de réussite scolaire », indiquent les auteurs.

Dans le même temps, les établissements de l’éducation prioritaire ont des équipes en moyenne moins expérimentées (...)

Qu’il s’agisse de territoires en difficulté ou non, la question de l’échec scolaire et celle des inégalités sociales de réussite ne peuvent pas faire l’impasse sur une réflexion à propos de la qualité de l’enseignement donné. Rien ne sert de multiplier les dispositifs contre le décrochage si l’on ne se pose pas la question de ce qui produit cet échec : on écope, mais le bateau se remplit sans cesse. Dans notre pays, les groupes sociaux qui bénéficient le plus des avantages d’un système qui les favorise bloquent toute transformation en profondeur, au nom de la préservation d’un système ancien idéalisé. On se retrouve du coup avec un ensemble de réformes à répétition qui n’agissent que par petites touches successives, parfois même de façon contradictoire, et rarement sur l’essentiel. Elles suscitent d’emblée de très vives oppositions et la lassitude des enseignants qui n’ont pas le sentiment d’être entendus.

Comme souvent en France, la multiplication des annonces et des dispositifs masque une incapacité à agir. (...)