
Le droit d’asile, "un système complètement à bout de souffle" ? Alors qu’une réforme est prévue à la rentrée à ce sujet, Europe 1 vient de publier un article détaillant "les cinq maux qui gangrènent le droit d’asile" en France. Un article qui déforme totalement la réalité, pour Pierre Henry, directeur d’une association d’aide aux migrants.
Sous fond de course à la présidence de l’UMP, Éric Ciotti, Hervé Mariton et Christian Estrosi inondent, depuis une semaine, les ondes d’un cocktail toxique à base de caricatures et de démagogie sur l’immigration et le droit d’asile. (...)
nous ne pouvons pas rester silencieux lorsqu’une grande radio nationale, Europe 1, se fait le porte-voix des démagogues, par le biais d’un article publié sur son site et intitulé "Les cinq maux qui gangrènent le droit d’asile", déformant un peu plus l’image du demandeur d’asile auprès de l’opinion publique.
Il ne s’agit pas ici de cibler un journaliste ou un média en particulier mais d’appeler la profession à la vigilance quand, dans un contexte de montée de la xénophobie, se relaient de fausses informations. Chiffres à l’appui et mis en perspective, nous revenons point par point sur les cinq caricatures qui gangrènent le débat sur l’asile. (...)
S’il est commun de ne pas nommer ses sources dans le milieu journaliste, il est en revanche problématique de ne pas les vérifier.
Le rapport du projet de loi de finances pour 2014 indique très clairement que le taux de présence indue de déboutés en Cada (Centres d’accueil pour demandeurs d’asile) s’élève à 7,9% en 2013 au niveau national. Nous sommes bien loin des 34% annoncés ! Ce taux de 34% mentionné dans l’article ne concerne que quelques CADAs isolés et non l’ensemble du dispositif.
À l’inverse, à l’heure actuelle, de nombreux départements tels que le Gers, les Deux-Sèvres et le Cantal affichent des taux de 0% de déboutés en présence indue. Étrangement, ces statistiques n’ont pas été retenues par l’auteur de cet article. Donc, s’il y a un problème avec les déboutés, ce n’est pas celui que note le journaliste.
"Une répartition territoriale problématique"
Il est délicat de laisser entendre que les demandeurs d’asile inondent la province quand 40% des demandeurs continuent de résider en Île-de-France. (...)
Par ailleurs, il est regrettable de présenter la présence de demandeurs d’asile en province comme un fardeau alors que plus d’un village a bénéficié de cette présence, leur permettant de maintenir des services publics de proximité et d’éviter la fermeture de classes, voire d’écoles.
On pourra mentionner à titre d’exemple la ville de Chambon-le-Château, petit village de Lozère de 300 habitants qui accueille un Cada depuis 2003. L’école compte 42 élèves dont une vingtaine d’enfants étrangers. Nous renvoyons ici au reportage d’"Envoyé spécial" à ce sujet. (...)
"La filière de l’asile hospitalier"
De quelle filière parle-t-on quand aucun chiffre, mis à part quelques cas isolés, n’est disponible sur ces cas médicaux censés détourner le système d’asile ?
La technique est connue. À partir d’un cas de fraude est condamné l’ensemble du système. S’il n’est pas rare que des personnes en besoin de protection fassent état de leurs besoins médicaux, ceux-ci sont souvent liés aux persécutions subies – ce ne sont pas ces éventuelles pathologies qui motivent le déplacement.
En outre, l’exil laisse rarement indemne. Pour mémoire et avec un sourire, Sigmund Freud a fui l’Autriche annexée par l’Allemagne en 1938 pour se réfugier en Angleterre alors qu’il souffrait d’un cancer de la mâchoire. Alors Sigmund Freud, "réfugié médical" ?