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le Figaro
Djihad : les parents démunis face au désendoctrinement de leur enfant
Article mis en ligne le 15 novembre 2014
dernière modification le 11 novembre 2014

Estelle et Laurence, deux mères de famille, racontent au Figaro la délicate phase de déradicalisation de leurs filles et l’absence de l’État dans ce domaine.

Alors que la ministre de la Justice Christiane Taubira réclamait en octobre dernier la mise en place de « programmes de désendoctrinement » pour lutter contre la radicalisation et le départ de candidats au djihad, les familles restent à ce jour livrées à elles-mêmes. Certaines ont obtenu une interdiction de sortie du territoire pour mineurs, d’autres ont réussi à récupérer leur enfant parti faire le djihad. « Mais après, que faire ? » se demandent les parents confrontés à l’embrigadement de leur enfant. « Comment le ramener à la réalité et l’aider à se reconstruire ? »

Même si le gouvernement est en train de former des fonctionnaires (magistrats, services sociaux, policiers) en vue de les sensibiliser à la question de la radicalisation, les familles n’ont pour l’heure qu’une solution : se tourner vers le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam (CPDSI), fondé par Dounia Bouzar, qui propose une méthode de désendoctrinement. « La première erreur est d’essayer de les raisonner », explique cette ancienne éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse qui travaille depuis plusieurs mois avec le gouvernement. « Ces jeunes sont persuadés d’être élus. Quoique vous leur disiez, ils vous diront que vous ne pouvez pas comprendre, que vous manquez de discernement ». L’idée est plutôt de travailler sur la mémoire et l’identité, recommande cette spécialiste, qui gère avec son équipe 140 familles : « On apprend d’abord aux parents à travailler sur les souvenirs familiaux pour garder le lien avec leur enfant ». Ensuite, différentes approches existent : « Nous devons faire du sur-mesure expliquait à La CroixSonia Imloul, une des responsables de l’association. Dans certains cas, il faut jouer sur le pathos (...) Dans d’autres, au contraire, il faut revenir au texte religieux et contrecarrer point par point la glose des djihadistes ».

Violent retour à la réalité (...)

Pour l’heure, en France, aucune structure publique ne sait réellement prendre en charge ces patients. « On a un réseau associatif basé sur le socio-éducatif, des centres fermés qui traitent des individus qui sont sur la pente de la radicalisation mais aucune structure adaptée à la problèmatique djihadiste », constate l’islamologue Mathieu Guidère, qui a étudié des méthodes de déradicalisation déjà mises en oeuvre ailleurs dans le monde.

L’Arabie saoudite est le premier pays à avoir imaginé ces centres, après les attentats du 11-Septembre. (...)

Depuis, le modèle saoudien a été exporté dans d’autres pays et adapté au niveau national. Au Danemark, par exemple, des centres de réhabilitation des djihadistes cogérés par la police et les services sociaux ont ouvert pour déradicaliser les jeunes. La méthode, baptisée Aarrhus, repose sur le dialogue et la réinsertion sociale. Par ailleurs, un suivi psychologique et médical y est offert pour traiter les chocs post-traumatiques. En Grande-Bretagne, l’approche est différente : la participation au programme de déradicalisation y est obligatoire et la méthode s’appuie davantage sur la question de l’idéologie pour mieux déconstruire les arguments de la radicalisation.

Pourrait-on imaginer de tels centres en France ? Pour Serge Blisko, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), la France n’en a pas besoin. « Bien sûr, les professionnels destinés à travailler avec ces jeunes radicalisés devront être formés, insiste-t-il. Mais nous sommes suffisamment pourvus en associations et en hôpitaux pour prendre en charge ces mineurs ». Quant à l’accompagnement psychologique, Serge Blisko évoque l’existence des cellules d’urgence médico-psychologique (Cump), qui s’occupent des blessés psychiques lors d’accidents, d’attentats ou encore de catastrophes naturelles. « Nous sommes en train d’identifier les structures qui seraient les plus adaptées », commente le président de la Miviludes, qui a pris part au processus de formation des fonctionnaires en les sensibilisant à la question de l’emprise mentale.

« Personne n’est vraiment formé pour gérer ces patients » (...)