
Une coopérative nationale de chauffeurs VTC, basée en Seine-Saint-Denis, va naître en 2022, plus de dix ans après l’émergence du géant américain. En s’affranchissant du mastodonte Uber, les plus de 500 chauffeurs fondateurs de cette coopérative souhaitent proposer un modèle plus vertueux sur le plan économique, social, et écologique. Après nombre de désillusions. Témoignages.
En quelques années, les banlieues franciliennes et partout sur le territoire sont devenues les principales pourvoyeuses de main-d’œuvre pour les applications de mise en relation et de transport comme Uber ou d’autres. « Ils sont allés chercher nos jeunes de cité en leur faisant miroiter qu’ils allaient être leur propre patron, des entrepreneurs, mais en réalité non, c’est de l’esclavage numérique », dénonce Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat INV (intersyndicale nationale des VTC). (...)
À la promesse de l’indépendance financière, de la liberté des horaires et de la potentialité d’un gain sans limite, s’est substituée la réalité de l’uberisation, nouveau phénomène mondialisé de l’emploi des années 2010. « Les plateformes ont créé un déséquilibre en recrutant de plus en plus de chauffeurs, en baissant leurs prix, et en augmentant les commissions à 25%. Résultat : on fait plus d’heures pour un chiffre d’affaires équivalent, en proposant une offre low cost », explique Ali Lemmouchi – chauffeur depuis 2016 à Paris et membre du bureau de la section VTC de la CDFT – au journal économique La Tribune. (...)
« On est tout seul, les chauffeurs ne sont pas solidaires entre eux, et Uber le sait. Ils baissent les prix et on est de plus en plus nombreux, c’est la guerre », constate Karim, chauffeur VTC depuis six ans. Diviser pour mieux régner, la stratégie phare d’Uber depuis sa création.
Une coopérative de chauffeurs VTC comme alternative à Uber
S’émanciper. Se fédérer. Relocaliser les profits. Voilà ce qui motive Franck, Moussa, Karim, et les plus de 2000 autres chauffeurs qui ont décidé de se réunir au sein d’une coopérative de chauffeurs VTC. Elle doit voir le jour au second semestre 2022, en Seine-Saint-Denis. Cette décision de rompre avec la précarité qui accompagne le management algorithmique d’Uber est la suite logique des luttes que mène l’intersyndicale nationale des VTC (INV) depuis plusieurs années. Pour Brahim Ben Ali – secrétaire général du syndicat – ce modèle érige les chauffeurs aux rangs de décideurs. « Le but, c’est qu’ils reprennent la main, qu’ils construisent la coopérative et ses règles », s’exclame-t-il. (...)
Ce modèle de gestion mutualisée se veut plus protecteur et démocratique pour l’ensemble des associés. L’objectif est de rompre avec le modèle individualiste d’Uber qui génère une constellation de chauffeurs esseulés et précarisés.
Le département de la Seine-Saint-Denis actionnaire de la coopérative (...)
les chauffeurs Uber célébraient en décembre dernier, les propositions de la Comission européenne qui préconisait un arsenal de mesures pour protéger les travailleurs liés aux plateformes. Parmi elles, la présomption d’une mise en place de salariat. (...)
Promouvoir le « made in France »
Proposer une alternative. C’est là tout l’objectif du projet. Et même si le combat face au géant Américain à des aires de David contre Goliath, la coopérative possède sa stratégie. Tout d’abord, comme le souligne maître Jérome Giusti – avocat qui accompagne la construction de la coopérative – il ne s’agit pas de « concurrencer Uber » sur son terrain. « Nous n’allons pas proposer de service “à la volée”. Dans un premier temps, nous allons partir sur le marché du B2B (Business to business). Nous allons négocier avec des grandes entreprises, des collectivités, et répondre à des marchés publics », explique l’avocat en droit du numérique.
De leur côté le département de Seine-Saint-Denis et la coopérative prévoient de coopérer pour développer des marchés communs avec les collectivités. Ils évoquent par exemple le transport des personnes âgées ou en situation de handicap.
Certaines échéances à venir constituent des opportunités (...)
Nous misons sur la redistribution des richesses. Certes, vous paierez la course un peu plus chère mais, vous contribuerez à enrichir le pays. (...)