
Un groupe d’eurodéputés du Parlement européen s’est vu refuser l’entrée en Tunisie, soulevant des questions sur le partenariat controversé sur la migration que la Tunisie a signé avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et la dirigeante italienne, Giorgia Meloni, cet été.
La commission des affaires étrangères, présidée par l’eurodéputé allemand Michael Gahler, devait arriver dans le pays vendredi.
"Nous avons annulé le voyage. On ne nous a pas donné les raisons du refus d’entrée, ce serait de la spéculation", a-t-il déclaré, confirmant que la commission ferait une déclaration au Parlement européen plus tard dans la journée de jeudi.
Le document de refus tunisien, vu par le Guardian, a été émis par le ministère des affaires étrangères du pays.
Elle se contente d’indiquer que la commission des affaires étrangères du Parlement européen (AFET) devait se rendre sur place entre le 14 et le 16 septembre. "Cette délégation ne sera pas autorisée à pénétrer sur le territoire national.
L’objectif de cette visite était d’examiner en profondeur la situation politique en Tunisie et de soutenir le dialogue autour du protocole d’accord signé par l’UE et le président tunisien en juillet dernier.
À l’ordre du jour figuraient des réunions avec des organisations de la société civile, des syndicats, des dirigeants de l’opposition et des émissaires de partis politiques, ainsi qu’avec les ambassadeurs des États membres de l’UE à Tunis.
Toutefois, l’entrée dans le pays ayant été refusée, des questions seront désormais posées sur l’engagement de la Tunisie envers l’UE et sur la volonté du président Kais Saied de répondre aux inquiétudes concernant la réduction des droits de l’homme et de l’indépendance du système judiciaire sous son mandat.
L’accord avec l’UE sur l’immigration a été très controversé. Il a été critiqué pas plus tard que mercredi par l’organisation caritative Médecins sans frontières, qui a déclaré qu’il rendrait l’Union européenne "directement complice des abus et des décès de personnes piégées dans le pays".
Le pacte sur l’immigration a été signé à l’issue d’une visite en Tunisie de Mme Von der Leyen, de M. Meloni et du Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, leur deuxième voyage en cinq semaines.
Il comprend un accord sur le retour des milliers de migrants tunisiens qui entreprennent la dangereuse traversée de la Méditerranée vers l’Italie, ainsi qu’une nouvelle initiative visant à accélérer la mise en place de voies légales permettant aux Tunisiens de travailler ou d’étudier dans l’UE.
Dans le cadre de cet accord, 105 millions d’euros (90 millions de livres sterling) seront alloués à la Tunisie pour l’aider à lutter contre les passeurs. Environ 15 millions d’euros seront disponibles pour conclure des contrats avec des organisations humanitaires telles que le Croissant-Rouge, afin de transporter et d’aider les migrants qui souhaitent retourner dans leur pays d’origine.
La Tunisie a été critiquée pour son traitement des migrants. En février, M. Saied a prononcé un discours raciste dans lequel il a déclaré que des "hordes" de migrants originaires de pays d’Afrique subsaharienne étaient engagées dans un "complot" visant à modifier la composition démographique du pays. Certains observateurs ont suggéré que ce discours constituait une tentative du président de détourner l’attention des Tunisiens d’une situation économique sombre et d’une détérioration de leurs libertés depuis qu’il a suspendu le parlement en 2021 et commencé à gouverner par décret.
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– (France24/juillet 2023)
Le pacte entre l’UE et la Tunisie, un nouveau "modèle" face à la crise migratoire ?
(...) Ce pacte comprend des mesures visant spécifiquement la jeunesse tunisienne – notamment par le biais d’un programme d’échanges d’étudiants ainsi que des formations au sein de l’UE – mais aussi un soutien à l’industrie du tourisme ou bien encore le développement des énergies renouvelables.
Alors que l’accord avec la Tunisie est censé représenter la politique des 27, de nombreux observateurs se sont interrogés sur le choix des représentants choisis pour accompagner la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, lors de ce déplacement en Tunisie : la leader d’extrême droite italienne Giorgia Meloni et le néerlandais Mark Rutte, dont la ligne très dure sur le regroupement familial a fait exploser le gouvernement.
La chercheuse de Human Rights Watch Lauren Seibert a pour sa part alerté sur le contexte pour le moins malheureux de cette visite, programmée alors même que des migrants avaient été expulsés de force à la frontière libyenne. (...)