
Mercredi 23 mai, douze militants anti-Cigéo ont comparu devant le tribunal de Bar-le-Duc, ceinturé par les CRS. Tandis que le procureur a évoqué une association de malfaiteurs, les avocats des prévenus ont souligné les nombreuses irrégularités de la procédure, fustigeant le « régime d’exception » imposé aux « gens de Bure ».
Bar-le-Duc (Meuse), reportage
À midi, ce mercredi 23 mai, les badauds se font rares dans les vieilles rues de Bar-le-Duc. Malgré le calme, les alentours du palais de justice sont ceinturés de camions de CRS. Venus des grandes villes de la région, ils sont des dizaines, lourdement équipés pour « sécuriser » le rassemblement prévu cet après-midi en soutien aux douze opposants à Cigéo jugés devant le tribunal correctionnel. Au compte-goutte, des militants arrivent sur la place Saint-Pierre, éberlués par le dispositif.
De l’entrée du tribunal à la salle d’audience, les policiers sont plus d’une trentaine à former une étrange haie d’honneur mutique, visages fermés et matraques visibles. Dans le hall, derrière chaque colonne, un CRS veille. Les avocats de la défense, furieux, demandent immédiatement le retrait des forces de l’ordre. « Cette surpopulation policière compromet la sérénité des débats, amoindrit la présomption d’innocence et les droits de la défense, dit Me Muriel Rueff. Elle vicie l’ensemble de la procédure ». (...)
C’est donc sous haute surveillance et dans une ambiance tendue quoique silencieuse, M. Glady ayant refusé d’ouvrir son micro afin « de les obliger à se taire et à écouter », que s’ouvre ce double procès. Car les douze prévenus comparaissent pour deux affaires différentes, qui ont comme scène principale le bois Lejuc. Celui-ci est l’épicentre de la contestation contre la poubelle nucléaire de Bure depuis que l’Andra (Agence nationale des déchets radioactifs) veut l’acquérir, le défricher et le forer. Les prévenus ont entre vingt et trente-cinq ans, certains étudiants, d’autres salariés, d’autres encore sans profession, la plupart avec un casier judiciaire vierge, ils viennent des quatre coins de la France. (...)
les avocats égrainent un chapelet d’imprécisions et d’erreurs. L’absence de procès-verbaux d’interpellation, permettant notamment d’identifier précisément les gendarmes qui ont procédé aux arrestations, des accusations de « refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police » infondées, car les personnes ont en fait accepté de donner leurs empreintes digitales, des PV évasifs sur le nombre de personnes présentes ou sur les descriptions… « Qu’est-ce que vous avez fait, Madame la présidente, pour mériter un tel dossier ? », ironise Me Regley.
Citant le juriste allemand Jhering, pour qui « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté », Me Muriel Rueff dénonce de son côté le « régime d’exception » constitué de « multiples petites entorses aux procédures » qui semble être imposé aux « gens de Bure ». « Le procureur présente les militants anti-Cigéo comme s’il s’agissait d’une confrérie, ajoute-t-elle. Un peu à la manière de Michèle Alliot-Marie lorsqu’elle parlait de la nébuleuse Tarnac : on voit où cela nous a mené ! » L’avocate craint « un phénomène de discrimination sur la base d’opinions politiques ».
Car les dossiers se révèlent souvent bien minces. (...)
À 17 h 45, près de quatre heures après le début de l’audience, la présidente du tribunal, visiblement épuisée, ordonne une suspension d’audience. Seules cinq personnes ont été entendues. À chaque fois, les avocats ont demandé la relaxe. Délibéré le 26 juin.
Dehors, la « grande foire » organisée par les militants anti-Cigéo, à l’appel de la Confédération paysanne et de Bure Stop, bat son plein. Emmenés par un air d’accordéon, certains dégustent des crêpes sans gluten mais avec beaucoup de chocolat, d’autres dévorent des makis faits maison. Un petit groupe joue au molki tandis qu’un duo s’essaie à un jeu de Nim, sorte de morpion avec des bidons grimés d’un sigle radioactif.