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Des jeunes de quartiers pris dans l’étau d’amendes abusives et discriminatoires
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - PARIS, le 9 décembre 2021 par Open Society Justice Initiative.
Article mis en ligne le 10 décembre 2021
dernière modification le 9 décembre 2021

32 jeunes d’Epinay-sous-Sénart (Essonne) ont reçu plus de 150 avis de contravention en trois mois pendant le premier confinement de 2020, quasi exclusivement sur la base d’images de vidéo-surveillance. Avec les majorations, ils cumulent plus de 50 000 euros d’amendes à payer. Avec l’aide de leur avocate, les plaignants ont contesté ces amendes auprès des autorités compétentes et ont saisi la Défenseure des Droits en avril 2021. A ce jour, à de rares exceptions près, ces amendes – que les jeunes estiment illégales et injustes - n’ont pas été annulées, mais majorées. La vie des personnes verbalisées en est profondément affectée.

Une trentaine d’adolescents et jeunes adultes d’un quartier populaire de l’Essonne dénoncent les amendes dont ils font l’objet, imposées pendant la période de confinement du printemps 2020, qui, selon eux, sont illégales, abusives et discriminatoires. Ces 32 jeunes d’Épinay-sous-Sénart, tous issus de minorités visibles, se mobilisent collectivement pour obtenir l’annulation de ces amendes ainsi qu’une enquête indépendante et impartiale sur les abus dont ils s’estiment victimes. Sur la seule période du 17 mars au 20 juin 2020, ces 32 jeunes ont reçu plus de 150 avis de contravention, pour un montant cumulé de plus de 18 000 euros. Un montant qui s’élèverait aujourd’hui à plus de 50 000 euros après majorations.

Avec l’aide de leur avocate, Me Clara Gandin, les plaignants ont contesté ces amendes auprès de l’officier du ministère public puis du parquet, sans effet toutefois à ce jour, et ont saisi la Défenseure des Droits en avril 2021.
Ces amendes sont, aux yeux des jeunes concernés, illégales et abusives. Les jeunes n’ont pas été verbalisés dans la rue et ont manifestement été visés via des images de vidéosurveillance. Leur identité n’a dès lors pas été contrôlée, et les attestations justifiant leur présence dans l’espace public n’ont pas été vérifiées non plus. Les procès-verbaux contiennent d’ailleurs de multiples erreurs, y compris des noms mal orthographiés, des erreurs dans les adresses ou encore des erreurs sur les personnes.

La procureure de la République d’Evry s’était elle-même émue de l’illégalité de ces pratiques policières. Dans un courrier adressé le 15 mai 2020 aux maires du département de l’Essonne, elle avait en effet rappelé que

« les verbalisations opérées à distance, parfois de façon successive sans que les contrevenants n’en aient expressément connaissance, sont irrégulières ».

Trente-et-une des 32 personnes verbalisées sont de jeunes hommes, ayant en moyenne moins de 25 ans et présentant des caractères physiques associés à une origine réelle ou supposée africaine ou maghrébine. Ils dénoncent la discrimination raciale dont ils estiment faire l’objet par l’imposition de ces contraventions.

« Les amendes abusives dénoncées s’inscrivent dans un contexte de pratiques policières discriminatoires largement documentées et dénoncées par des chercheurs, des associations, et des institutions indépendantes comme la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), » a déclaré Maïté De Rue, conseillère juridique d’Open Society Justice Initiative, une organisation qui soutient la procédure de plainte devant la Défenseure des droits. « La brutalité policière et la discrimination raciale par les forces de l’ordre constituent un phénomène qui, d’ailleurs, perdure en France depuis de longues années ».

Depuis de nombreux mois à présent, les jeunes concernés tentent de contester les amendes imposées, en vain. Ils font face à un véritable acharnement administratif et judiciaire et à un système qui ne permet pas l’exercice de leurs droits. (...)

D’une manière incompréhensible pour les jeunes, le parquet d’Evry, qui avait dénoncé le caractère illégal des amendes imposées à distance, les poursuit via la procédure simplifiée d’ordonnance pénale, laquelle aboutit à des condamnations sans procès, sans audition et sans possibilité d’être défendu par un avocat. Enfin, le Trésor public réclame le paiement des amendes sous peine de saisie, à nouveau en dépit des contestations en cours. (...)

Ces amendes abusives précipitent les jeunes et leurs proches dans la précarité. Certains jeunes, parfois à peine entrés dans la vie active, doivent faire face à un endettement de plusieurs milliers d’euros. C’est même leur insertion professionnelle qui est mise en péril : l’un d’eux s’est vu refuser une habilitation de travail dans le secteur public en raison d’amendes contestées.

Les jeunes ont par ailleurs souligné que ces amendes ont également un lourd impact psychologique, y compris sur leur sentiment d’appartenance à la République. (...)