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Des entreprises sobres et responsables
Article mis en ligne le 21 janvier 2019

La crise climatique exige que l’on envisage l’entreprise comme un « commun », et qu’on la mette au service de la protection des biens communs immatériels et matériels qui, seuls, permettent d’envisager l’émancipation de tous.

En France, un récent projet de loi a fait de la transformation de l’entreprise l’un des défis majeurs du XXIe siècle. Si ce projet n’abordait pas une seule fois les problèmes que posent à notre modèle économique le changement climatique ou la perte de biodiversité, la question de la transformation du modèle d’entreprise reste d’autant plus urgente qu’aucun État de l’Union européenne n’est aujourd’hui en mesure, dans le cadre des politiques économiques en vigueur, d’infléchir ses émissions de gaz à effet de serre en vue de tenir les objectifs fixés dans l’Accord de Paris pour maintenir le réchauffement global sous la barre des 1,5 °C. (...)

Quel rôle et quelles responsabilités portent les entreprises dans ce contexte ? Cette question est d’autant plus pressante que si les États ont une grande part de responsabilité dans la construction du régime climatique actuel, les entreprises en sont les protagonistes. Un rapport de l’ONG Carbon Disclosure Project a ainsi révélé que 100 entreprises du secteur de l’énergie sont, à elles seules, responsables de 71 % des émissions globales de gaz à effet de serre qui ont été émises durant l’ère industrielle. Et, déjà, certaines entreprises figurant dans cette liste indiquent dans leurs rapports annuels que les campagnes de désinvestissement des énergies fossiles représentent désormais un risque accru pour leur cours de bourse.

Analyser les diverses conceptions de la responsabilité d’entreprise face aux grands défis du XXIe siècle, et en premier lieu face au changement climatique, conduit à appréhender l’entreprise comme un commun, c’est-à-dire comme un collectif composé de parties qui prétendent toutes à la propriété sur cette entité sans jamais pouvoir en revendiquer le contrôle exclusif, et qui doivent désormais s’accorder pour envisager leur activité dans les limites que la protection des biens communs mondiaux impose. (...)

si les États et les parlements ont bien évidemment un rôle crucial à jouer dans l’adoption de politiques publiques favorisant un développement humain équitable et durable, les entreprises ont acquis un tel pouvoir économique, politique et technologique qu’elles sont capables, tout en requérant la protection des États pour faciliter le commerce et défendre leurs droits de propriété, de s’affranchir de la tutelle étatique et de remodeler en profondeur nos relations sociales, nos imaginaires, et les paramètres physiques à la surface de la Terre.

Dressant ce constat, des initiatives privées, des démarches citoyennes, des mouvements sociaux, des États, des organismes publics, des entrepreneurs sociaux, des organisations internationales et des organisations non gouvernementales tentent, depuis plusieurs décennies, de mettre l’économie au service d’une conception partagée du bien commun et de la protection des biens communs mondiaux. Pour ce faire, ces acteurs mettent en place des lois nationales et internationales, des codes de conduite, des labels, des tribunaux internationaux, des instances extra-judiciaires et des mécanismes de plainte afin de rendre les entreprises redevables de leurs actes devant les citoyens. (...)

Ces diverses actions en justice mettent en évidence les responsabilités des entreprises dans la définition de leur raison d’être ; dans la gestion de leurs impacts négatifs sur leurs employés, les territoires et les écosystèmes ; dans leur influence sur le processus démocratique et les politiques publiques. Nous pouvons ainsi distinguer les quatre champs de la responsabilité suivants, qui informent tous la question écologique et climatique :

- une responsabilité économique et financière, qui concerne les conditions de juste création et de juste partage de la valeur. (...)

  une responsabilité sociale vis-à-vis des salariés au long des chaînes de valeur mondiales.(...)

  une responsabilité sociétale et environnementale vis-à-vis des impacts qu’ont les entreprises sur les communautés et les territoires où elles exercent leurs activités. (...)

  une responsabilité politique relative aux enjeux de gouvernance des entreprises et des biens communs mondiaux. (...)

Définir l’entreprise comme un commun
Sur la base de ces multiples responsabilités, l’entreprise peut s’appréhender comme un commun, c’est-à-dire comme un espace collectif géré conjointement par des acteurs aux préoccupations et aux intérêts divers. Des actionnaires aux employés, en passant par l’administration fiscale ; les communes où sont implantés ses sites industriels ; les organisations non gouvernementales qui s’intéressent aux dommages collatéraux engendrés par son activité ; les médecins qui traitent des maladies professionnelles de ses employés ; les sous-traitants et les fournisseurs affectés par l’évolution de leur cœur de métier et de leurs stratégies ; et enfin les sols, les cours d’eau, l’air qui constituent l’environnement naturel dans lequel son activité économique prend forme ; la plupart de ces acteurs ont des droits d’usage et des prétentions diverses sur le contrôle, et donc sur la propriété des entreprises.(...)

Vue sous cet angle, l’entreprise n’est la propriété de personne, mais est une entité collective reconnue par un faisceau de droits, de coutumes, de règles formelles et informelles. (...)