
Nous avons posé aux candidats à l’élection présidentielle trois séries de questions sur les médias (parmi d’autres possibles). Association qui s’est toujours réclamée d’une « gauche de gauche », nous avons sollicité la plupart des candidats, mais nous n’avons retenu que les réponses des candidat-e-s que l’on peut classer traditionnellement à gauche : François Hollande, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou – Nathalie Arthaud ne nous ayant pas (encore ?) répondu. Il nous a cependant semblé utile de mentionner également les réponses de François Bayrou qui, en 2007, fut le seul à soulever la question des médias dans les médias.
Nous avions posé trois séries de questions. Nous publierons les réponses en trois articles successifs.
Sur l’appropriation privée des médias
(...) Résumé (modérément) critique
C’est d’une certaine façon la règle du jeu : les candidats préfèrent – pour une part variable, mais souvent généreuse – se livrer à des considérations ou déclarations d’intention générales, répondre à côté des questions posées ou développer des propositions qui ne les concernent pas, se servant de leurs réponses comme d’une tribune sur la totalité de leur projet. Néanmoins, que retenir de ces réponses ?
(1) « Envisagez-vous de mettre un terme à l’appropriation des médias par des groupes dépendants de marchés publics ? Si tel est le cas, comment pensez-vous procéder ? » Telles étaient les premières questions.
François Bayrou se prononce pour « l’interdiction de détenir un groupe de presse quand on fait des affaires avec l’État ».
Eva Joly ne se prononce pas directement, mais indique que « toute société détenant au-delà d’un certain seuil du capital d’une entreprise de presse devrait pouvoir être exclue du droit de répondre à un marché public ».
François Hollande propose non pas d’interdire toute appropriation par des groupes dépendants de marchés publics, mais de demander au CSA « de privilégier dans sa sélection les services proposés par des opérateurs indépendants des groupes titulaires de marchés publics ». Ce qui en l’état actuel des choses ne saurait concerner que les médias audiovisuels – et semble, pour ceux-là, permettre (sinon promettre), dans sa formulation même, tous les contournements souhaitables.
Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou veulent interdire par la loi une telle appropriation, mais ne précisent pas si et comment cette loi pourrait s’appliquer aux groupes déjà existants, que les autres candidats, semble-t-il, n’envisagent pas de remettre en cause.
(2) Plus généralement, envisagez-vous de limiter les concentrations dans le secteur des médias ? Quelles sont les dispositions législatives que vous proposez ? Selon quels critères seraient fixés les seuils de concentration autorisés ? » Telles étaient les questions suivantes.
François Bayrou ne se prononce pas.
Eva Joly se borne, sans plus de précision, à indiquer qu’il convient « d’éviter autant que possible les grandes concentrations dans le secteur stratégique des médias ».
François Hollande se propose d’adopter « un véritable encadrement de la concentration en matière de médias qui adoptera des mesures comparables à celles qui sont en place dans d’autres grandes démocraties », à la suite d’une « vaste concertation avec tous les acteurs » (dont l’identité n’est pas précisée) à partir de propositions relativement détaillées, dont on peut penser qu’elles sont très insuffisantes type de médias par type de médias, d’autant limitation à la propriété multi-médias n’est pas explicitement envisagée.
Jean-Luc Mélenchon se propose de relancer « les dispositifs anti-concentration dans la presse, la télévision et l’Internet », mais ne mentionne que l’interdiction des « situations de monopole, national ou régional, pour les groupes financiers, industriels et de services ».
Philippe Poutou, enfin, est donc celui qui va le plus loin, en proposant d’appliquer « des dispositions anti-concentration drastiques » qu’il présente ainsi : « outre la définition d’un seuil de concentration capitalistique, ainsi que d’audience ou de diffusion, un seul titre ou canal pourra être possédé par une personne, un groupe de personnes ou une entreprise. »