
Dans la Meuse, les opposants au projet de « poubelle nucléaire » Cigéo ont reçu vendredi la visite de plusieurs députées de gauche, venues leur apporter leur soutien.
(...) Nous sommes vendredi 16 septembre à Bure (Meuse) et plusieurs députés issus de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale) ont fait le déplacement dans ce petit village de 800 habitants. Le but : annoncer la création d’un Front parlementaire contre Cigéo, le centre de stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs. (...)
Porté depuis plus de deux décennies par l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), et âprement combattu par divers biais depuis, ce projet prévoit pour 2035 l’enfouissement à 500 mètres de profondeur de 85 000 m³ de déchets nucléaires extrêmement dangereux, qui resteront radioactifs jusqu’à des centaines de milliers d’années. Le 8 juillet dernier, Cigéo a été classé parmi les opérations d’intérêt national (OIN) et déclaré d’utilité publique (DUP), ce qui permettra à l’État d’exproprier les propriétaires des parcelles nécessaires à la construction du projet, qui n’a pas encore d’autorisation de création. L’Andra a annoncé qu’elle en déposerait la demande d’ici à la fin de l’année 2022.
« On mettra notre écharpe à disposition dès qu’il y aura besoin de soutien »
Outre Sandrine Rousseau, les députées Aymeric Caron (La France insoumise, LFI), Antoine Léaument (LFI), Charlotte Leduc (LFI), Martine Étienne (LFI), Caroline Fiat (LFI) et, surtout, Mathilde Panot (LFI), très investie dans le dossier, se sont déplacées dans la Meuse. « L’idée de cette rencontre est venue de discussions avec Mathilde Panot. On s’est dit qu’avec l’arrivée de la Nupes à l’Assemblée nationale, cela ouvrait une occasion favorable pour se saisir de ce sujet-là, d’autant plus avec Macron qui essaie de relancer le nucléaire », explique à Reporterre Angélique Huguin, militante antinucléaire. Juste avant, dans la salle de réunion de la Maison de résistance, elle a animé un échange informel et chaleureux entre les députés et une trentaine de militants anti-Cigéo, qui ont pu exprimer leur ressenti vis-à-vis de la « poubelle nucléaire » que l’État tente de leur imposer. (...)
En outre, les membres du front parlementaire ne se gêneront pas pour user de tous les outils dont ils disposent à l’Assemblée nationale : questions au gouvernement, propositions de loi, demandes de commissions d’enquête… « Tout cela va s’ajouter à tout ce qui a déjà été fait par les opposants », dit Mathilde Panot, qui estime que ce front pourra compter sur l’adhésion d’au moins 100 députés (tous les élus LFI et EELV de la chambre basse), sans compter des sénateurs et des eurodéputés. (...)
De fait, la lutte contre Cigéo se déploie déjà sur plusieurs fronts : actions juridiques (deux recours auprès du Conseil d’État concernant la DUP et l’OIN ont été déposés le 7 septembre), actions médiatiques, opposition physique sur le terrain, travail d’information du public. (...)
« Tout cela ajoute un outil de lutte supplémentaire » (...)
« l’engagement des parlementaires va permettre de décomplexer certains élus locaux vis-à-vis de la lutte, et leur enjoindre de ne plus se cacher derrière une pseudo-neutralité finalement contreproductive » (...)
Cette conversation a lieu à l’ombre des arbres du bois Lejuc, où tout le monde est parti en balade. Le tout dans l’illégalité : cette forêt communale, lieu symbolique de la lutte anti-Cigéo, a été acquise par l’Andra en 2016, et l’accès y est désormais interdit (et surveillé : à l’entrée du bois, une caméra a été installée par la gendarmerie). Les députés, arborant leur écharpe tricolore, posent sous le « grand chêne » de la forêt. Et tombent finalement en fin de promenade sur le directeur de l’Andra, Patrice Torres, venu à leur rencontre – d’habitude, ce sont plutôt les gendarmes. « Monsieur le directeur, est-ce que vous allez porter plainte contre nous ? » lui lance ironiquement Mathilde Panot, guère convaincue par les arguments de Patrice Torres concernant Cigéo. Elle lui rappelle en outre comment, en 2018, la commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires a souligné à quel point « les alternatives à l’enfouissement des déchets n’avaient pas été assez étudiées ». En guise d’au revoir, la députée aura ces mots : « Monsieur le directeur, j’espère que ce projet ne se fera jamais. » (...)