
Comme dirait Coluche : "il parait qu’il y a cinq-millions de personnes qui veulent du travail. C’est pas vrai, de l’argent leur suffirait ! "
Je crois bien, mais je ne suis pas sure, que nous n’avons jamais été aussi riches qu’en ce moment. Collectivement riches. Nous n’avons jamais autant produit de richesses qu’en ce moment. Et elles sont de plus en plus mal réparties. Il y a deux nouvelles qui tombent comme la pluie sur nos têtes, cet été : le fait qu’il y a de plus en plus de riches, ici et ailleurs, et celui qu’il y a aussi de plus en plus de chômeurs. Comme une marabunta de désintégration sociale. Et il y a de plus en plus de chômeurs parce qu’il y a de moins en moins de travail.
Ce qui devrait être une foutue bonne nouvelle, non ?
Que l’on puisse satisfaire de plus en plus de besoins en mobilisant de moins en moins d’efforts, c’est quand même une très bonne nouvelle, non ? N’est-ce pas ce après quoi notre espèce court depuis le premier gars qui a inventé la roue pour transporter plus en se fatiguant moins ? (...)
Mais en fait ce n’est pas tant le travail qui manque que l’emploi. Du travail, il en reste encore pas mal, mais ce n’est pas forcément ce qui permet d’accéder à un salaire et donc des moyens de subsistance suffisants. Et dans notre société, beaucoup de gens prennent grand soin de ne pas distinguer les deux, du fait qu’il y a encore beaucoup de travail créé par des besoins non solvables ou abattu par des personnes dont on estime naturel qu’elles le fassent gratuitement, des personnes comme… les femmes, au hasard. (...)
Jusqu’alors, les entreprises supprimaient des emplois ici pour en créer d’autres, nettement moins bien payés, ailleurs. Maintenant, les délocalisations sont à destination de… machines. (...)
Remplacer les gens par des robots n’est pas un problème en soi. Ce n’est pas grave que l’on passe d’une société du travail à une société du temps libéré. Le problème, c’est comment gérer des droits de tirage sur les richesses créées par les machines, comment redistribuer le revenu, puisque la condition de sa production passe de moins en moins par la contrainte du travail ?
Et là, curieusement, nous manquons cruellement d’imagination ! (...)
Pour une écrasante majorité de personnes, l’accès à l’argent passe forcément par un emploi : un travail dont on peut espérer tirer un revenu. Or, nous vivons actuellement une révolution industrielle qui détruit l’emploi et le rend inaccessible à des centaines de millions de personnes dans le monde. Quel modèle politique proposons-nous concrètement dans un monde où de plus en plus de gens sont considérés comme surnuméraires ? Comment peut-on penser l’idéal démocratique quand nous soumettons de plus en plus de personnes au stress de la survie immédiate ? (...)
Si l’on admet qu’il n’est plus possible de vivre dans notre société sans argent, on peut plaider pour la suppression de la monnaie… ou sa redistribution égale et suffisante. Pour nous affranchir de la peur et nous rendre la liberté de choix du citoyen.
Et c’est là que nous devons faire travailler nos imaginaires : construire par la pensée un monde libéré du manque pour le rendre possible, tout simplement. Se projeter, chacun, dans les choix qu’un revenu de base nous ouvrirait et la manière dont il transformerait l’ensemble du corps social. (...)
Demain peut commencer maintenant — de manière bien plus efficace que les voitures volantes — si l’on décide tout simplement de croire que c’est possible.
Rendez-vous du 21 au 23 août 2014 pour la première université d’été du Revenu de base.