
(...) nous sommes en présence de trois procédés de manipulations médiatiques fréquents dans le traitement des révoltes populaires en France : la mise en exceptionnalité, la dépolitisation et la division.
La mise en exceptionnalité permet de rendre invisibile les causes systémiques conduisant aux révoltes (inégalités sociales massives, discriminations racistes, contrôle policier systématique, etc.). La dépolitisation vise à rendre impossible la solidarité avec les révoltés. Devant des actes « irrationnels », la solidarité n’apparaît pas comme une réponse. C’est aussi pour cela que nos médias préfèrent parler d’émeute plutôt que de « révolte » qui connote politiquement les faits. La division permet enfin de justifier une répression violente.
(...) Ces révoltes populaires en France, en Belgique ou aux États-Unis révèlent des inégalités sociales et des discriminations racistes insoutenables, un harcèlement policier fréquent et une militarisation de la police. (...)
une dualité présente dans chaque situation de révolte urbaine : un événement déclencheur révélant des causes sociales porteuses de colères. (...)
La concentration spatiale de la pauvreté est, aux États-Unis comme en Europe, un résultat inévitable d’un marché du logement régulé par la seule loi du profit. (...)
Même si l’ampleur n’est pas la même qu’aux États-Unis, en Europe aussi les discriminations racistes sont massives, systémiques et institutionnelles. D’ailleurs les propos des jeunes révoltés en novembre 2005 mettaient en avant deux facteurs : les discriminations racistes et le comportement de la police. (...
Une étude sur cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Châtelet-Les Halles) portant sur 500 contrôles de police révèle les constats suivants :
– Les contrôles ne se déclenchent pas « sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être ».
– « Les Noirs courraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés » sur les sites d’observation.
– « Les Arabes ont été généralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs d’être contrôlés » [6].
La militarisation de la police n’est pas une spécificité états-unienne (...)
Que ce soit au niveau des causes comme des conséquences, des similitudes apparaissent nettement entre les États-Unis et les pays européens. Ils dévoilent l’existence non pas de quelques « bavures » mais le résultat inéluctable du fonctionnement de l’appareil policier et des missions qu’on lui confie pour réguler les effets d’une société de plus en plus inégalitaire. Pour mener à bien ces missions, la police est désormais militarisée c’est-à-dire dotée d’armes et d’équipements ressemblant de plus en plus à des armes de guerres. La militarisation de la police en réponse aux contestations n’est pas non plus une spécificité états-unienne. (...)