Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Dans les forêts du Morvan, l’État refuse d’encadrer les coupes rases
« Il y a un ras-le-bol général par rapport à la gestion intensive de la forêt »
Article mis en ligne le 18 septembre 2019

Le parc naturel du Morvan souhaite limiter les coupes rases, néfastes pour l’environnement mais utiles à l’industrie du bois. Parce qu’il s’oppose à une gestion intensive des forêts, il risque de perdre son label, et les subventions afférentes.

Le parc naturel régional du Morvan se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. Cet établissement public qui a pour mission première « la protection de l’environnement » souhaite réguler les coupes rases qui sévissent dans ses forêts. Mais la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté s’y oppose. Elle menace même de lui retirer son label et les subventions qui vont avec.

Pour garder son étiquette « parc naturel », l’organisme devra donc cautionner des pratiques industrielles qui dégradent les écosystèmes — en cas de coupe rase, les habitats de la faune et de la flore sont détruits, le sol mis à nu est tassé. Une contradiction qui révolte une partie de la population alors que l’exploitation des forêts s’accroît dans le Morvan et que des centaines d’hectares de bois sont rasés chaque année.

Localement, un front se dessine. D’un côté, le parc et les associations environnementales pensent que la forêt, même privée, constitue un bien commun. Ils exigent un droit de regard sur les modes de gestion de la filière forestière. De l’autre côté, les services de l’État et les professionnels privilégient le statu quo et défendent, en priorité, les intérêts économiques de la forêt. (...)

Le bras de fer est engagé. L’issue, incertaine. Le dossier est maintenant sur le bureau de la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, qui tranchera le débat d’ici décembre 2019 (...)

Dans un Plan simple de gestion, aucune limite de taille n’est fixée pour les coupes rases. Les engagements en matière de biodiversité sont également minimes.

C’est dans les propriétés inférieures à 25 hectares que le déficit de régulation se fait encore plus ressentir. (...)

Ils peuvent couper comme ils veulent, en toute quiétude. Cette situation concerne 97 % des propriétaires et couvre 43 % de la forêt du parc du Morvan, soit 63.450 hectares. (...)

Pour y remédier, le parc réclame que les coupes rases soient soumises à autorisation préfectorale dès que les parcelles dépassent 0,5 hectare au lieu des 4 aujourd’hui. Il voudrait également être consulté dès que des demandes de coupes sont adressées à la Direction départementale des territoires (DDT) et dans le cadre d’un Plan simple de gestion. Pour avoir un suivi et un contrôle. « Nous sommes des élus du territoire. Nous avons le droit de savoir ce qui s’y passe ! », argumente Sylvain Mathieu. « On reste gentils. On ne demande pas l’interdiction absolue des coupes rases, seulement une consultation. Même ça, ils nous le refusent. » (...)

Au quotidien, une dizaine d’abatteuses sillonne le massif et fauche les forêts comme de simples champs de blé (...)

Ce sont des monstres hybrides, mi tractopelle mi moissonneuse batteuse. Récemment, un nouveau modèle est arrivé sur le terrain. Les professionnels l’ont baptisé « Hannibal ».

Le site internet Global Forest Watch avec ses images satellites montre bien les métamorphoses que subit la forêt du Morvan. Le massif ressemble à une vaste mosaïque mouchetée de bleu et de rose. Les tâches roses indiquent les zones de déforestation, les pixels bleus les lieux de reforestation. Coupes et plantations sont les deux volets d’une même industrialisation. (...)

Contactée par Reporterre, la préfecture mentionne aussi « le manque de moyens humains » au sein de ses services. Abaisser le seuil pour les demandes d’autorisation de coupe rase entraînerait logiquement une multiplication des dossiers (...)

Pour alléger la DDT, le parc propose d’y allouer lui aussi des moyens humains. Une solution jugée « pas sérieuse » par la préfecture.
Le syndicat des forestiers privés ne veut pas d’une « ingérence citoyenne »

Derrière ces querelles se joue en réalité une histoire plus grande : le positionnement de l’État vis-à-vis de la filière bois et sa capacité à réguler le secteur. « Il n’y a pas assez de contrôle, dénonce Sylvain Angerand. Aujourd’hui, les services de l’État servent d’abord de chambre d’enregistrement pour la filière. »

Sur les dix dossiers déposés chaque année à la préfecture pour les demandes d’autorisation de coupe rase, presque tous sont acceptés. « D’un point de vue environnemental, c’est assez sombre », (...)

Le syndicat des forestiers privés est vent debout contre le projet de charte du parc naturel régional. Il pèse de tout son poids pour la rendre caduc et critique « une ingérence citoyenne ». « Je ne me permettrais pas de dire au propriétaire d’une usine comment il doit travailler. Alors pourquoi les forestiers devraient-ils subir ça ? Pourquoi devraient-ils être contrôlés sans cesse ? », s’interroge Alban de Montigny, porte-parole des propriétaires privés de la Nièvre. « L’avenir de la forêt du Morvan est dans le résineux. Je comprend que des gens puissent être choqués mais on oublie que la forêt, comme l’agriculture, est obligée de s’adapter au monde tel qu’il évolue. »

La bataille n’est pas finie.