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Dans le sud-ouest, les éoliennes, c’est le capitalisme
Article mis en ligne le 27 juin 2014
dernière modification le 23 juin 2014

Loi sur la transtion énergétique ou pas, les éoliennes soulèvent l’opposition dans beaucoup d’endroits. Que se profile-t-il derrière le développement fulgurant de cette source d’énergie qui industrialise les paysages ? Enquête dans le Tarn, en Ariège et en Aveyron.

(...) cinq éoliennes, où est le problème ? Pour répondre à cette question, les Ariégeois reprennent le travail réalisé par l’association Agir pour le Lévezou, des Aveyronnais confrontés à l’implantation massive d’éoliennes sur ce plateau du Lévezou au nord de Millau. Là-bas, les éoliennes y sont déjà. (...)

C ’est leur film, Vent fort sur le Lévezou, recueil de témoignages d’agriculteurs, riverains, ayant vu l’implantation des éoliennes sur ce terroir aveyronnais, qui suscitera le plus grand émoi dans la communauté de Camarade. Au-delà des débats économiques et techniques, on y découvre comment l’implantation des éoliennes fissure le terreau social, un agriculteur attristé expliquant comment « depuis que j’ai accepté, plus personne ne me parle ici. Et si personne ne me parle, je ne suis plus rien ».

Le propos fait mouche. Certains nous mettent tout de même en garde : « Sous couvert de lutte anti éoliennes, certaines associations sont de véritables partisanes du nucléaire » avertit un communiqué du collectif Stop Eoliennes, d’autres sud aveyronnais.

À la frontière entre Aveyron et Tarn, Christian Bernard représente, pour sa part, Vent de Colère, fédération nationale regroupant pas moins de neuf cents associations, unies sur un slogan : « Zéro éoliennes ». Il rejette toute collusion avec les pro-nucléaire - « d’ailleurs, même AREVA fait de l’éolien maintenant » -, et ajoute : « Nous ne sommes pas hostiles en soi au nucléaire, mais la solution est avant tout de réduire les dépenses d’énergie ».

Pour achever de nous convaincre, il nous conduit en voiture à quelques kilomètres de chez lui. Au beau milieu de la campagne et des sentiers étroits, nous découvrons effarés une installation électrique de deux hectares. « Ca, ça peut accueillir jusqu’à deux cent éoliennes. » Et voyant notre surprise : « On ne vous avait pas parlé des pylônes et des transformateurs ? » (...)

Aux carrefours des autoroutes de l’électricité

C’est l’aspect le plus visuel mais pourtant le moins visible quand on parle des éoliennes. Comme nous l’explique Richard Simon-Labric, syndicaliste CGT chez EDF et mandaté sur les questions énergétiques en Midi-Pyrénées : « L’énergie ne se stocke pas. Il faut donc pouvoir en permanence l’intégrer dans le réseau afin de maintenir la fréquence et la tension. Or, le réseau actuel ne correspond plus à l’arrivée des éoliennes. Il faut créer de nouveaux transformateurs et de nouveaux réseaux. »

Un aspect que Carole Joly, de l’association Plateau Survolté a bien remarqué : « Chaque parc éolien a besoin d’un petit transformateur pour acheminer son électricité sur le réseau. Mais avec le développement de tous ces projets éoliens dans le sud du Massif central, les réseaux sont saturés ».

C’est ainsi que cette conseillère municipale de la commune de Saint-Victor-et-Melvieux, dans le Sud Aveyron, découvre en avril 2010 un projet caché de transformateur électrique géant à un kilomètre de chez elle. « Neuf hectares avec doublement des lignes de très haute tension, soit vingt-quatre lignes au total au dessus de nos têtes ! » énumère Lionel Jacolinot, son compagnon.

L’objectif : « Transformer l’énergie qui passe en 225 000 Volts en 440 000 volts et l’acheminer aux quatre coins de l’Europe. Pas de chance : nous habitons justement sous une de ces autoroutes de l’énergie ».

Là encore, les débats font rage sur la dangerosité de ces installations, mais une chose est sûre, en 2013, lors de son court passage au ministère de l’Ecologie, Delphine Batho avait pris soin de demander à ce que l’on évite de construire les nouveaux équipements publics près des lignes THT. (...)

Carole poursuit : « En observant aux alentours, sur le Lévezou ou dans le Tarn, nous nous sommes rendus compte qu’à chaque fois, on voyait apparaitre un projet isolé de moins de dix éoliennes puis un autre environ 30 km plus loin. Ce n’est qu’ensuite que chaque commune est approchée pour savoir si par hasard elle ne serait pas intéressée par les "retombées positives" de l’éolien, entendez sonnantes et trébuchantes. »

Il suffit d’observer le schéma régional air énergie pour constater l’ampleur du phénomène : mille cint cents communes sont éligibles à des implantations éoliennes dans la région. L’Aveyron est le département le plus touché avec cent vingt éoliennes sur le Levezou, quatre-vingt autour de Saint Affrique et près d’une centaine sur les mont de Lacaune, limitrophes avec le Tarn et l’Hérault.

Et ainsi de se retrouver avec de véritables champs d’éoliennes sur des massifs entiers. Petit à petit, se révèle à nous toute l’architecture industrielle que prend aujourd’hui le développement des aérogénérateurs éoliens dans le pays. Christian Bernard, de Vent de Colère, observe : « On a sacrifié une région et ses paysages pour cette nouvelle politique, sans demander leur avis aux habitants ».

L’éolien industriel au cœur des politiques européennes

Le comble, c’est que tous ces projets, loin d’initiatives comme celle de Montdidier ne servent pas à alimenter en énergie les territoires où ces éoliennes sont implantées (...)

"On ne peut pas détacher les éoliennes du reste. Nous sommes dans un système capitaliste, elles le sont aussi" martèle Lionel, de Plateau Survolté. Lui soutient que « tous ces projets sont inscrits dans une politique européenne productiviste de libéralisation de l’énergie, des échanges, avec des autoroutes de l’énergie qui vont des Pays-Bas à l’Espagne. Ils projettent même d’en envoyer au Maroc ! » (...)

dans l’Hérault : sur la commune de Fraïsse Sur Agoût, l’association Engoulevent qui luttait contre un projet de onze éoliennes a découvert que le parc, construit par EDF-Energies Nouvelles, a aussitôt été revendu à un assureur étranger, Allianz.

Claire, militante anti-nucléaire et membre de l’association Engoulevent, qui s’est opposée à ces projets, raconte : « J’ai mis longtemps avant de prendre conscience que l’éolien n’était pas une solution, mais inscrit dans les mêmes logiques que le nucléaire. »

Mais bien sûr, on trouve aussi des appuis aux projets éoliens chez de fervents écologistes. Ainsi, malgré de nombreux appels d’associations aveyronnaises, José Bové, député européen EELV n’a jamais accepté de manifester son soutien à ces luttes, expliquant : « Nous sommes anti-nucléaires et donc pro-éoliens ».

« C’est une logique folle, enrage Lionel, de Plateau Survolté, une fois que vous enlevez le label sur votre facture, comment distinguer un kilowatt éolien d’un kilowatt nucléaire ? Tout ça sert la même logique de libre-échange et de marché européen de l’énergie. »

À la CGT, la solution est toute trouvée : « Il faut que les énergies soient utilisées pour le bon usage et au bon endroit, qu’elles rentrent dans une cohérence globale dans les transports, l’habitat … et pour cela, il faut un pôle public de l’énergie » selon Richard-Simon Labric. Sauf que ce syndicat reste très attaché à l’énergie nucléaire.

« Il ne s’agit pas d’un problème d’énergie »

En attendant, les résistances anti-éoliennes s’organisent. (...)

Quant à l’urgence réelle d’en finir avec le nucléaire, ces nouvelles énergies ne sont pas là pour çà, on le voit bien, elles viennent juste s’y ajouter en transformant au passage toutes les campagnes en zones industrielle, comme elles le font à plus grande échelle au Mexique ». (...)