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Mediapart
Dans le Vercors, accueillir les migrants en durée indéterminée
Article mis en ligne le 15 septembre 2020

Tour de France, 16e étape, kilomètre 150. À Lans-en-Vercors, François et Véronique Nougier verront peut-être passer le peloton ce mardi. Au sein de l’association Vertaccueillants, ils se débrouillent pour que des migrants mineurs ou des familles puissent trouver un hébergement « sans limite de temps ». Cela a coûté à François des voix aux dernières municipales.

On ne prend jamais une histoire. On est pris par elle. À mille mètres d’altitude, au passage mardi du Tour de France à Lans-en-Vercors (2 500 habitants), aux alentours de 17 h 20-17 h 30, vit le couple Nougier. Véronique et François. Ils font partie des quinze membres du conseil d’administration des Vertaccueillants (une centaine d’adhérents), association laïque qui loge dans des familles du plateau du Vercors des demandeurs d’asile, de titre de séjour, et des réfugiés.

Ce sont souvent des mineurs ou des familles (parfois cinq personnes) qui sont accueillis « sans limite de temps », précise Véronique, 52 ans, cogérante d’une structure d’e-learning ou formation sur Internet (dix-huit personnes) et amenée parfois par son travail à faire des allers-retours à Paris.

Pour elle, le cheminement s’est résumé à une question : « Mais qu’est-ce qu’on peut faire pour ces personnes, ces enfants ? Comment nous inscrire dans un réseau ? On ne pouvait pas s’indigner sans rien faire… », se souvient-elle quand l’association s’est créée il y a cinq ans. Véronique fait référence à la photo d’Aylan, un petit Syrien de trois ans, mort noyé dans le naufrage en Turquie d’une embarcation de migrants. Ce fut l’un des éléments déclencheurs de leur engagement.

François, 51 ans, lui, est charpentier-menuisier. Avant, il était cadre dans l’industrie. Puis, un jour, il a tout envoyé balader. À 32 ans, il a passé un CAP de menuiserie. L’entreprise tourne aujourd’hui avec un associé et un apprenti de trente ans, quasiment le même âge que François quand celui-ci a radicalement changé de direction.

Voilà vingt ans que les Nougier sont installés ici. Le couple a trois enfants. Ils n’en ont plus qu’un à la maison, lycéen, et de sortie ce jour-là avec des copains. (...)

Il répète, si peu surpris de ce qui lui a été rapporté lors de la campagne : « Si sa liste gagne, il est bien capable de nous installer un camp de migrants sur la commune. » Et son corollaire plus insidieux, qui ressurgit de temps à autre au gré des rencontres : « Mais jusqu’à quand vous allez les garder ? » « Les », ce sont les migrants. (...)

François et Véronique n’aimeraient pas qu’on qualifie leur engagement d’extraordinaire, tout comme celui des autres adhérents d’ailleurs : « Si nous nous sommes engagés, disent-ils, c’est pour apporter un toit et de la dignité à ces personnes. Parfois, ce sont des gens qui ont été aux mains de réseaux de passeurs, de vendeurs d’hommes. Des jeunes de 18-19 ans qui ont passé trois ans d’errance avant de parvenir en Europe, des vieux, des jeunes, des musulmans, des Noirs, des chrétiens, des Arabes, des Kurdes… » Comme ils sont « incompétents sur le domaine du juridique », l’association s’appuie sur l’antenne grenobloise de l’ADA (Accueil des demandeurs d’asile) qui se charge de diriger vers les Vertaccueillants les familles ou personnes « en demande de papiers », souligne François, qui tient à préciser que « le message que les Vertaccueillants ont fait passer auprès de l’ADA » peut se résumer ainsi : « Là-haut, c’est le refuge. »

Sur le plateau du Vercors (12 000 habitants à l’année), l’empreinte de la Résistance et les hauts faits d’armes sont toujours ancrés dans la mémoire nationale. Une vingtaine d’hébergeurs « mettent à disposition une chambre chez eux ou une maison », dit Véronique (...)

À l’exception des familles, les accueillis changent de logement toutes les six semaines : « Pour que les hébergeurs puissent souffler, se retrouver. »

L’association encourage les accueillis à trouver un travail. Cela peut être à la caisse d’une supérette. Toutefois, une des règles « est de ne pas accepter de travail au noir ». (...)

François a souhaité cet été changer de décor, peut-être sortir de cette déception électorale qui l’a quand même touché. Et s’est absenté tout l’été (« mon associé m’a remplacé », dit-il). Il est parti, seul, avec son sac à dos et un réchaud, et a traversé les Pyrénées de Banyuls à Biarritz. À pied. (...)