
Pour pouvoir continuer ses activités en Syrie, le cimentier aurait accepté de payer le groupe terroriste à l’été 2014. "Complément d’enquête" a eu accès à un échange de mails où sont précisées les sommes versées par l’entreprise française via des intermédiaires.
(...) Ce courriel indique que Firas Tlass a négocié, pour le compte de Lafarge, avec plusieurs groupes armés présents dans la région, dont les jihadistes de l’EI, pour que cette cimenterie continue à fonctionner malgré la guerre. "Mon cher Bruno, en ce qui concerne l’Etat islamique, j’aurai un rendez-vous avec eux ce soir, écrit l’intermédiaire le 20 juillet 2014. J’ai mis l’offre suivante sur la table : 10 millions de livres syriennes par mois, pour le libre passage des matières premières et du personnel." Une somme qui correspond à 25 000 euros.
Un laissez-passer tamponné par l’EI
Un mois plus tard, Christian Herrault, alors directeur général adjoint du groupe à Paris, est informé par un autre responsable de Lafarge Syrie, Frédéric Jolibois, en ces termes : "Je viens de finaliser avec Firas ce matin. ISIS [Etat islamique] : part fixe à revoir (aujourd’hui 10 millions), mais ne devrait pas augmenter inconsidérément, car contraire à la charia. [...] Les ventes devraient redémarrer demain ou après-demain." "Merci", lui répond Christian Herrault.
Sur le terrain, les négociations semblent bien avoir abouti (...)
D’anciens salariés ont fourni à "Complément d’enquête" un document portant le tampon de l’organisation Etat islamique et mentionnant un accord avec Lafarge : un laissez-passer destiné aux transporteurs de matières premières.
En replay pendant 30 jours
C’est la première fois qu’une entreprise du CAC 40 est poursuivie pour financement du terrorisme. Comment le leader mondial du ciment peut-il se retrouver accusé d’avoir versé des millions de dollars de bakchich à des groupes jihadistes comme Daech ? Pendant un an, les équipes de "Complément d’enquête" se sont penchées sur ce fleuron très discret de l’industrie, PME familiale devenue un géant du BTP présent dans 60 pays. Quelles sont ses méthodes, ses zones d’ombre ? Enquête depuis le berceau ardéchois jusqu’en Syrie, où est né le scandale, en passant par les Etats-Unis. (...)