
La destruction du bidonville de Grigny laisse une centaine d’occupants à la rue... et une amère impression de déjà-vu.
La plupart des occupants ont déjà déserté les lieux quand les pelleteuses entrent en action, mardi matin, dans le bidonville de Grigny (Essonne). Environ 300 personnes, essentiellement des familles issues de la communauté rom, étaient installées sur ce terrain municipal, dans des baraques de bois et de tôles, depuis près d’un an et demi. Elles s’étaient déplacées après leur expulsion du bidonville de Ris-Orangis, à 800 mètres de Grigny, lui-même constitué après le démantèlement d’un autre campement à Evry, en 2012.
"Dans un mois, un nouveau bidonville à quelques mètres de là"
L’immense chapiteau en patchwork bariolé bricolé par les habitants du bidonville est toujours dressé au milieu du campement quand les gendarmes poussent les derniers occupants hors des lieux. Au début de l’été, le réalisateur Tony Gatlif était venu présenter son film "Gadjo Dilo" dans cette salle de cinéma improvisée. Mais la mobilisation du cinéaste n’aura pas suffi à protéger le campement d’une destruction annoncée. (...)
Malgré l’ordonnance d’expulsion formulée à sa demande, la mairie communiste a participé toute l’année à l’amélioration des conditions de vie dans le campement… avant de le détruire. Installation de points d’eau, mise à disposition de containers pour l’évacuation des déchets ou fourniture de bois de chauffage : une aide pour le moins paradoxale.
"Un bidonville, à Grigny ou ailleurs, n’a pas vocation à rester éternellement. Il serait méprisant de considérer que ces familles avec enfants peuvent continuer à rester là, avec les rats, dans des conditions d’hygiène déplorables", tranche Claude Vasquez, élu de Grigny, en charge du dossier. (...)
Mais c’est sans compter que ces populations se sont déjà en partie intégrées, comme l’explique Sébastien Thiéry : "Beaucoup d’habitants ont des enfants scolarisés à Grigny ou travaillent dans le coin, il est donc très plausible qu’ils se réinstallent à proximité sous peu." Alors que le nombre de Roms s’est stabilisé autour de 15.000 en France, les évacuations ont quasiment doublé en 2013, selon un rapport de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’European Roma Rights Center (ERRC). (...)
"Cette situation est absurde, on dirait les ’Shaddock’, on pompe, on pompe, on répète le même geste en attendant d’autres effets. Mais les élus sont dans le déni." (...)
Après avoir scolarisé 27 enfants dans sa commune et domicilié plusieurs familles afin qu’elles puissent toucher la CMU, la ville estime qu’elle a fait sa part d’efforts et ne peut à elle seule prendre en charge toute la population du bidonville :
"L’effort de Grigny est à la mesure de ce qu’on peut faire, compte tenu des difficultés sociales et financières de la ville. Nous accompagnerons 10% de la population du bidonville. Et pour les autres, c’est au gouvernement qu’il faut poser la question, pour qu’il nous donne les moyens d’appliquer la circulaire de 2012 imposant un accompagnement avant le démantèlement d’un campement. Le contexte est national et européen, les communes ne peuvent pas régler seule le problème à l’échelle locale."
"Il y a toutes les autres familles qui vont rester sur le carreau"
Nicole Brulais, de l’association de soutien aux familles roms de l’Essonne admet que "la mairie de Grigny a déjà fait plus que beaucoup d’autres municipalités", mais estime que cette prise en charge au cas par cas reste insuffisante
Le conseil municipal de Grigny a déposé en juillet une motion réclamant à l’Etat une contribution financière pour la mise en œuvre du projet d’accompagnement, estimant que "l’expulsion des campements sans solution alternative ne fait qu’aggraver la misère et provoquer leur déplacement sur d’autres lieux souvent proches". (...)