
L’Etat nucléariste français et le lobby militaro-industriel sont à la manœuvre pour faire entrer l’énergie nucléaire dans la taxonomie verte européenne. Les annonces gouvernementales martelées dans les médias depuis quelques jours, notamment sur le projet de Small Modular Reactor (SMR), s’inscrivent dans ce contexte européen. Les SMR sont en fait, à la base, des réacteurs de sous-marins ou de porte-avions. (...)
Comme il n’y a pas un kopeck dans les caisses de l’Etat et d’EDF, juste des déficits abyssaux, il faut faire appel à des financements privés, d’où le forcing pour faire entrer l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne.
Tribune pronucléaire de ministres européens : une incroyable faiblesse argumentaire
Le 10 octobre 2021, des ministres issus d’une dizaine de pays européens, dont les français M. Lemaire et Mme Pannier-Runacher, ont publié dans de nombreux médias une tribune assurant que les Européens "ont besoin de l’énergie nucléaire". Or la lecture de leur texte laisse sans voix tant son argumentaire est faible. Cela commence par des affirmations gratuites comme "Le nucléaire est une source d’énergie propre, sûre, indépendante et compétitive."
Propre ?
Outre la production de déchets radioactifs (qu’il faudra gérer pendant des millénaires), il faut savoir que les centrales nucléaires relâchent dans l’air et dans l’eau d’immenses quantités de produits radioactifs et chimiques qui polluent gravement l’environnement, en particuliers les rivières françaises parfois bordées par quatre centrales (Rhin, Loire, Rhône). De plus, l’extraction du combustible des réacteurs, l’uranium, cause des dommages environnementaux dramatiques (contaminations, assèchement des nappes phréatiques, etc) mais il est vrai que cela se déroule loin de chez nous, en particulier au Niger : c’est probablement cela que les adeptes de l’atome appellent une énergie "propre"…
Sûre ? Les catastrophes de Tchernobyl et Fukushima ne sont pas de l’histoire ancienne, aujourd’hui encore des millions de personnes vivent dans des zones contaminées en Ukraine, Biélorussie, Russie et bien sûr au Japon. En France, le pire a été frôlé au moins à trois reprises
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Indépendante ?
Comme déjà expliqué, le combustible est majoritairement importé, c’est même à 100% le cas de la France. D’autre part, loin de la propagande assénée depuis des années, le fait est que la technologie nucléaire "française" est en réalité américaine, les licences ayant été achetées (fort cher) à l’entreprise Westinghouse dans les années 70. Et, parmi les signataires de la tribune, les représentants de Bulgarie, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie et Finlande ont probablement oublié que leurs pays sont dotés de réacteurs russes : une étrange "indépendance"…
Compétitive ?
Si les réacteurs en service actuellement produisent une électricité à un tarif relativement modéré, ce n’est pas parce que le nucléaire est "compétitif" mais parce que ces centrales ont bénéficié de très lourds financements publics au 20ème siècle, et qu’elles sont aujourd’hui amorties. Or les caisses des Etats sont aujourd’hui vides et ce véritable "hold-up" sur l’argent public n’est bien heureusement plus possible.
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Les questions de l’énergie et du climat sont effectivement très importantes et méritent des décisions fortes, mais ce n’est certainement pas en s’enferrant dans la voie de garage de l’atome que des solutions seront trouvées. C’est le bien être des habitants et la préservation du climat qui doivent être la priorité, et non la survie des industriels de l’atome.
Stéphane Lhomme
Directeur de l’Observatoire du nucléaire
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