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Le Grand Soir
Cuba-Etats-unis : ingérence ou relations d’égal à égal ?
Article mis en ligne le 15 mars 2015
dernière modification le 9 mars 2015

Le rétablissement des relations diplomatiques sera un long processus ont précisé les présidents Castro et Obama dans leurs annonces simultanées du 17 décembre dernier. Cependant la dynamique est lancée et s’est confirmée durant les deux premières rencontres qui ont eu lieu en janvier à La Havane, la semaine dernière à Washington.

Le dégel ne concerne pas seulement les relations Cuba-États-Unis. Si empressée à rompre les relations diplomatiques quand les États-Unis durcissaient l’embargo, l’Union Européenne et ses gouvernants se précipitent dans la compétition du marché. En décembre dernier, le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Garcia Margallo, avait appelé l’Union à accélérer la normalisation des relations pour ne pas perdre de terrain face à Washington, exhortant les entreprises à ne pas perdre de terrain dans la concurrence avec leurs homologues nord-étasuniennes. Une délégation de l’Union négocie depuis le 4 mars à La Havane « un accord de dialogue politique et de coopération ».

La visite de François Hollande qui aura lieu le 11 mai, précédée par celles de plusieurs ministres (Laurent Fabius, Fleur Pellerin), de délégations de parlementaires et d’industriels, permettra-t-elle de lever les obstacles aux relations France-Cuba ? Malgré la garantie de la Coface, les banques rechignent à s’engager et ce sont surtout les PME qui osent investir dans l’île. Autre sujet à l’ordre du jour, la maintenance et modernisation de la centrale électrique qui fournit les deux tiers de l’électricité du pays. Malgré les déclarations gouvernementales, son avenir reste incertain depuis le rachat d’Alstom par General Electric.

De l’isolement a l’intégration

L’intense activité diplomatique que connaît l’ile est à comparer avec son isolement à partir des années 90. Les lois Helms-Burton et Torricelli avaient pour but d’affamer son peuple, de mettre à bas le régime. Le récit et le secret de cette résistance restent à écrire.

C’est durant cette période que Cuba a impulsé et participé à l’intégration latino-américaine avec la création de l’Alba (2004), de l’Unasur (2008), de la Celac (2010 ), qui ont concrétisé l’échec du Nafta, le projet des États-Unis visant à mettre l’ensemble du continent sous son emprise et celle de ses multinationales. Ce que reconnaît implicitement le président Obama en énumérant les objectifs de son changement de politique envers Cuba : « Nous allons rénover notre leadership en Amérique latine... » Cela risque d’être mal accueilli au prochain sommet des Amériques mais le seul fait d’y prétendre rendait obligatoire un changement de politique avec Cuba.

Retour de la carotte et du bâton ?

Sur le fond, Washington maintient son objectif, le changement de régime à La Havane, et n’en fait pas mystère. L’embargo a échoué : « Il a provoqué un isolement régional et international, réduit notre capacité d’influer sur le cours des événements dans l’hémisphère occidental et empêché l’utilisation de toute une série de mesures que les États-Unis peuvent utiliser pour promouvoir un changement positif à Cuba » déclare Obama le 17 décembre.

Les moyens doivent donc changer. Un seul leitmotiv « Spur change among the people of Cuba » (impulser le changement dans le peuple cubain). Le communiqué de presse de la Maison Blanche du 17 décembre indique : « Nos efforts visent à favoriser l’indépendance des Cubains afin qu’ils ne soient plus dépendants de l’État cubain. »( 1). Le 19 décembre, durant sa conférence de presse de fin d’année, Obama enfonce encore le clou : « Ce qui est certain c’est que nous allons nous trouver dans de meilleures conditions pour exercer notre influence et pouvoir utiliser aussi bien la carotte que le bâton »(2).

La carotte et le bâton, la revendication du leadership dans le continent, la réaffirmation du « destin manifeste » du géant du nord, tous ces vieux leitmotivs de l’ingérence, marque de la politique étrangère des administrations américaines, se retrouvent dans les discours, les communiqués de presse, les conférences de presse, du président en titre. Le constat d’échec de l’embargo va de pair avec la même volonté d’ingérence et de domination. (...)

Les mesures les plus dures de l’embargo sont maintenues : interdiction pour Cuba de commercer et de détenir des comptes en dollars. Interdiction d’acheter dans des pays tiers des produits contenant plus de 10% de composant nord-américains, d’exporter aux États-Unis du matériel comportant du nickel ou du sucre cubain. Sanctions aux banques et aux filiales américaines installées à l’étranger qui passent outre.

Lors des premières réunions tenues à La Havane pour discuter de la politique migratoire, le représentant de l’administration a souligné que rien n’allait changer : les Cubains entrés illégalement aux EU continueront à bénéficier automatiquement de la nationalité EU après un an et un jour de présence, étrange régime d’exception dans un pays qui compte 11 millions de sans papiers.

Avec l’annonce des mesures d’assouplissement de l’embargo, les États-Unis ont voulu fixer le cadre de la normalisation des relations et se présenter comme maîtres du jeu. Dans les négociations en cours, la partie cubaine a fixé comme principe le rétablissement de relations d’État d’égal à égal dans tous les domaines, la liberté de chacun de choisir sa société, son système économique, sans ingérence étrangère. Le désaccord sur ce sujet constitue le principal obstacle.

Les discussions ont lieu au pied à pied sur tous les sujets. (...)