Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Paris-Match
Covid-19 : l’Afrique en état d’urgence
Article mis en ligne le 25 juillet 2021

« Dans l’histoire de la pandémie, l’Afrique vient de connaître sa semaine la plus grave. » Deux cent cinquante mille nouveaux cas, soit une augmentation de 20%, constate la docteure Matshidiso Moeti. La directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a d’autre choix qu’égrener des chiffres désastreux ; elle est convaincue que le pire reste à venir. Ici, la troisième vague accélère, se propage, frappe vite et plus fort. Avec son variant Delta, elle atteint déjà l’Afrique du Sud, l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Liberia, la Namibie, le Rwanda, le Kenya, l’Érythrée, la Tunisie, le Malawi ou le Sénégal...

(...) Et toujours la même question revient : où sont les doses de vaccin ? » (...)

Le système international Covax avait prévu de distribuer dans les pays en voie de développement le vaccin AstraZeneca fabriqué en Inde. « Quand Covax a été créé, en avril 2020, nous n’avions pas encore trouvé de vaccin », se rappelle la députée européenne Chrysoula Zacharopoulou, coprésidente du Covax Shareholders Council et rapporteuse pour le Parlement européen de la nouvelle stratégie Afrique-Union européenne. « L’idée, raconte-t-elle, c’était que les 97 pays les plus riches permettent aux habitants des 92 pays à faibles revenus de pouvoir être vaccinés en temps voulu. Au départ, le portefeuille n’était pas énorme, ensuite, il y a eu AstraZeneca, produit en Inde. À l’époque, c’était le plus grand site de production pour les pays du Sud. C’était intéressant. Ce vaccin a été choisi, et nous avons démarré les premières livraisons au Ghana en février 2021. » (...)

Mais, le 18 mars, le robinet des vaccins se ferme : l’Inde, touchée par une vague d’au moins 50 000 contaminations quotidiennes, interdit les exportations. Le gouvernement a décidé de donner la priorité à sa population. L’Inde recense aujourd’hui plus de 400 000 morts. Quant aux États-Unis (600 000 morts), ils donnent des fonds mais restent dans une logique « America First » : ils n’ont pas encore exporté de vaccins, leurs frontières demeurant fermées. Du côté de l’Europe, les usines, qui fonctionnent 24 heures sur 24, livrent la moitié de leur production. Mais ça ne suffit pas. L’Afrique doit importer 99% de ses besoins. (...)

Le président sénégalais, Macky Sall, dénonce à nouveau, lui aussi, la forteresse des pays riches... (...)

D’ici à la fin de l’année, Covax vise 520 millions de doses pour l’Afrique et son 1,2 milliard d’habitants. Seulement 16 millions d’Africains ont déjà été vaccinés, soit moins de 2% de la population (contre 40 % en France, pour les deux doses). Un taux inquiétant, au regard de la contagiosité du variant Delta. Il est urgent de ne plus dépendre entièrement de la production externe, problème auquel l’Europe a été confrontée. C’est pourquoi, ce 9 juillet, la signature d’un accord de 200 millions d’euros pour la construction d’une usine de production au Sénégal, à Diamniado, soulève un immense espoir. Le commissaire européen Thierry Breton, chargé de la task force sur la production de vaccins, salue la rapidité avec laquelle ce projet a vu le jour (...)

En Afrique du Sud, le groupe Aspen devrait assurer le conditionnement et la finition du vaccin américain Johnson & Johnson. Il y a aussi l’Égypte, qui a produit quelque 300 000 doses du vaccin chinois Sinovac, et le Maroc, qui a annoncé une future production en partenariat avec le chinois Sinopharm. (...)

Au centre hospitalier de Fann, dans le sud-ouest de Dakar, le service de réanimation ne désemplit pas. Huit box sont réservés aux cas les plus graves. (...)

« La troisième vague, on est déjà dedans. Je ne parle pas seulement pour le Sénégal : sur tout le continent, mes confrères font les mêmes constats. Il faut vraiment pratiquer le séquençage des cas graves de jeunes. On cite le variant Delta, mais il s’agit peut-être déjà d’un autre variant » (...)

Les centres de vaccination, eux, se vident doucement. Crainte du vaccin, absence de doses... À l’Institut Pasteur de Dakar, on n’injecte que les secondes doses AstraZeneca et Sinopharm. Les derniers rendez-vous sont programmés en août. Ensuite, la réserve sera à sec. L’OMS promet de nouvelles livraisons cet été. De leur côté, les partenaires de l’alliance Covax multiplient les négociations. (...)