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Covid-19 : "L’absence d’Internet et la barrière de la langue compliquent l’accès à la vaccination des migrants"
Article mis en ligne le 8 janvier 2022

Depuis octobre, le Samusocial de Paris a pris le relais de Médecins sans frontières (MSF) et vaccine deux fois par semaine les personnes à la rue, principalement des migrants, à porte de la Villette, dans le nord de Paris. Un défi pour l’organisation qui doit composer avec une population en mouvement, qui n’a pas ou peu accès à Internet et qui ne maîtrise pas toujours le français. Entretien avec Maëlle Prioux, responsable des projets santé du Samusocial et Samy Rasli, coordinateur des actions de santé publique du Samusocial.

(...) Maëlle Prioux : "Chaque jour, nous pouvons injecter 56 doses. En moyenne, nous en utilisons une quarantaine.

Du 13 octobre au 16 décembre, on a effectué 547 injections pour 335 personnes. Parmi ces chiffres, 261 concernaient une première dose, 156 une seconde et 74 une troisième.

Le nombre d’injections de première dose est plus élevé pour deux raisons : tout d’abord car on voit beaucoup de primo-arrivants qui n’ont pas pu se faire vacciner sur la route de l’exil, mais aussi parce que certains ont reçu un vaccin qui n’est pas reconnu par l’Union européenne." (...)

Samy Rasli : "Par ailleurs, d’autres migrants ne retrouvent plus leur document relatif à leur schéma vaccinal. Dans ces cas-là, on propose des dépistages de sérologie pour ajuster le nombre de doses nécessaires selon la présence ou non d’anticorps dans le sang.

Sur les 270 tests effectués, 34% reviennent positifs. Cela signifie qu’un tiers de la population que l’on reçoit a développé des anticorps, soit en ayant contracté le Covid-19, soit en ayant été vacciné."
IM : Comment les migrants sont-ils orientés vers votre structure ?

MP : "On travaille beaucoup avec les partenaires du Samusocial de Paris, tels que le 115, Médecins sans frontières (MSF), la Croix-Rouge ou encore les associations gestionnaires des centres d’accueil. Ils nous envoient des personnes souhaitant se faire vacciner. (...)

On a aussi fait un travail de sensibilisation dans les hôtels sociaux pour informer sur nos actions et délivrer des rendez-vous."
IM : Vaccinez-vous aussi les mineurs dans la structure de porte de la Villette ?

MP : "Oui, on vaccine les mineurs isolés âgés de 12 et 18 ans. Désormais, les jeunes de 16 ans ne plus peuvent se faire vacciner sans l’autorisation d’un adulte, ce qui simplifie la procédure. (...)

IM : Parmi les migrants, certains sont-ils réticents à la vaccination ?

SR : "Ils ne sont pas plus réticents que la population générale. On retrouve les mêmes appréhensions chez les migrants. (...)

On a aussi constaté, comme dans l’ensemble du pays, un regain d’intérêt au moment de l’évocation du passe vaccinal. Les migrants en auront besoin pour se déplacer, en train pour des trajets de longue distance, par exemple, pour honorer leurs rendez-vous administratifs. Ainsi, depuis le début de l’année, la structure de la porte de la Villette tourne à plein régime." (...)

SR : "On assiste à de nombreuses difficultés d’ordre administratives, comme l’impossibilité de prendre rendez-vous sur le site de Doctolib par manque de connexion Internet, ou à cause de la barrière de la langue. Tout cela complique leur accès à la vaccination." (...)

De plus, le nombre de rappels se complexifie selon l’évolution de la situation administrative des personnes. Pour faire simple, une personne qui reçoit sa première dose et dont les droits ne sont pas ouverts à l’Assurance maladie obtient un numéro provisoire relatif à son vaccin. Si ses droits sont ouverts lors de la deuxième injection, il arrive qu’on ne retrouve pas ce numéro car il n’y a pas de lien entre le dossier provisoire et l’Assurance maladie. La procédure peut donc s’avérer complexe pour les soignants qui ne retrouvent pas ce numéro provisoire. Cela peut rendre difficile l’administration de la deuxième dose."

SR : "Il arrive aussi que des centres de vaccination refusent les personnes sans carte vitale ou CMU [complémentaire santé solidaire, ndlr]. Légalement, c’est ouvert à tous mais certains soignants ne sont pas au courant ou ne veulent tout simplement pas le faire.

L’absence de carte vitale peut parfois être un frein pour accéder aux structures traditionnelles. Deux tiers des personnes qui viennent à porte de la Villette n’ont pas ouverts leurs droits médicaux, pour l’AME [Aide médicale d’État, ndlr] par exemple". (...)