
(...) "Arrêtez d’exposer nos frères jumeaux aux dangers. Sous la pluie, face au soleil, à la poussière, aux dangers, aux maladies ! C’est dangereux en bord de route, devant les mosquées. Jumeau n’est pas sorcier, jumeau n’est pas mendiant", chante Lecko’Nda (Nda, veut dire jumeau en langue Akan) dans un titre destiné à faire cesser cette pratique.
L’Association des jumeaux et plus de Côte d’Ivoire (ADJPCI) mène régulièrement des actions de sensibilisation. "L’objectif principal, c’est de lutter contre le phénomène des enfants jumeaux qu’on expose pour la mendicité", affirme Jean-Trésor Depari, aux côtés de son jumeau Jean-Paul.
L’ADJPCI compte 1.000 membres et estime à 5.000 "au minimum" le nombre de jumeaux dans le pays".
"Nous sommes vraiment confrontés à une situation très compliquée en Côte d’Ivoire et en Afrique", explique Jean-Trésor Depari. "La place d’un enfant se trouve à l’école !", tonne-t-il.
– "C’est la pauvreté qui fait ça" -
"Sortir avec les enfants au bord de la route ne nous plaît pas. C’est la pauvreté qui fait ça !", reconnait Aicha Cissé, la mère de Salim et Mamadou.
Elle explique que les "jetons" (pièces de 50 ou 100 F CFA) qu’on lui donne représentent environ 2000 FCFA (3 euros) par jour voire parfois 5000 (7,5 euros). Des passants offrent aussi des arachides, des légumes ou du manioc en provenance du marché tout proche.
Avant la naissance de ses enfants, elle faisait des lessives pour les particuliers mais n’a personne pour garder les jumeaux à la maison, explique-t-elle.
"Tant qu’ils ne sont pas scolarisés, c’est la seule solution. Mais dès qu’ils iront à l’école, l’année prochaine ou dans deux ans, je reprends la lessive. Si Dieu le veut", assure Aicha.
"La naissance de jumeaux a suscité la stupéfaction et donné naissance à des mythes. Comme on ne la comprenait pas scientifiquement (...) des fables ont émergé. Cela relevait de la divinité. Donc cela inspire la peur", dit-elle.
"Pour promouvoir la cohésion sociale, éviter les infanticides, la marginalisation... des légendes sont nées. On dit ainsi, par exemple, que les jumeaux sont protégés par des serpents ou qu’ils peuvent se transformer en serpents", relève-t-elle.
Mais "malheureusement", ces mythes ont poussé certaines personnes à faire des jumeaux "des objets de sacrifices humains, qui attireraient la richesse", souligne la sociologue.
Des histoires auxquelles des jumeaux ont fini par croire. (...)