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Comprendre la violence sexiste à l’ère du néolibéralisme
Article mis en ligne le 29 mai 2019
dernière modification le 27 mai 2019

Dans cet article, Tithi Bhattacharya se propose d’historiciser et donner une compréhension d’ensemble à la progression des crimes sexistes dans le monde depuis la crise économique. Mettant à profit les intuitions et les hypothèses du féminisme marxiste, elle expose les liens complexes entre l’idéologie de la tradition, les difficultés d’accès au produit social et les stratégies du capital à l’ère du néolibéralisme.

Comprendre la violence sexiste à l’ère du néolibéralisme

27 mai par Tithi Bhattacharya
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illustration : http://trasvorder.tumblr.com/

Dans cet article, Tithi Bhattacharya se propose d’historiciser et donner une compréhension d’ensemble à la progression des crimes sexistes dans le monde depuis la crise économique. Mettant à profit les intuitions et les hypothèses du féminisme marxiste, elle expose les liens complexes entre l’idéologie de la tradition, les difficultés d’accès au produit social et les stratégies du capital à l’ère du néolibéralisme.

Commençons par cette scène : un homme blanc nu poursuit, dans les couloirs d’un hôtel hors-de-prix situé à Manhattan, une femme noire sous-payée, demandeuse d’asile, dans le but de la forcer à avoir une relation sexuelle avec lui. L’homme, vous l’aurez compris, est alors le directeur du Fonds Monétaire International (FMI), et l’homme politique français, Dominique Strauss-Kahn. La femme, qui a alors 33 ans, est bien Nafissatou Diallo, femme de chambre de l’hôtel où résidait Strauss-Kahn, et qui cherche alors asile aux États-Unis loin de sa Guinée natale, une ancienne colonie française.

Bien que toutes les accusations de viol et d’agression qui pesaient sur cet ancien chef du FMI aient été abandonnées, il a eu à en payer ce qu’on peut considérer comme un prix fort – ceci incluant, parmi bien d’autres choses, sa démission et un dédommagement financier conséquent versé à Mme Diallo. Justice a-t-elle été alors rendue ? La réponse à cette question devrait préoccuper tout•e révolutionnaire marxiste en cela qu’une véritable cartographie de la dépossession se dessine entre ces deux figures, et c’est bien le but de cet article que de la tracer [1].

Cette scène devrait constituer un symbole de notre temps. Elle est iconique en cela qu’elle fige cet instant où la distinction entre l’individu•e et le soci(ét)al s’évapore, et où les individu•e•s – l’homme blanc nu aisé et la femme noire sous-payée – apparaissent comme les parfaites allégories du soci(ét)al.

Nul besoin de le dire, la puissance représentative de l’image de Strauss-Kahn agressant Diallo sous-tend le pouvoir actuel qu’exercent des institutions financières telles que le FMI sur des pays du Sud tels que la Guinée. (...)

Dans des pays comme celui dont Nafissatou Diallo a émigré, la Guinée, ce processus a pris la forme de programmes d’ajustement structurel, imposés par le FMI et la Banque mondiale, où la dette est pour ces pays « comme un fusil posé sur la tempe [2] ». (...)