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Comment se passe une mise sous tutelle en France ?
Article mis en ligne le 28 juillet 2021
dernière modification le 27 juillet 2021

Alors que la situation de Britney Spears met en lumière ce système, retour sur son fonctionnement dans notre pays.

« Tout le monde en parle, mais personne ne sait ce que c’est. » Ainsi résume Nathalie Payelle, directrice générale de l’UDAF 44 (Union départementale des associations familiales), à propos de la tutelle. Alors que la pop star mondiale Britney Spears est depuis treize ans sous une tutelle qu’elle juge abusive (l’affaire est sale, c’est à présent une évidence), elle vient –enfin– d’obtenir le droit de… choisir son avocat. (...)

Si le système américain diffère du nôtre, il s’agit déjà de comprendre le déroulement d’une mise sous tutelle en France, en nous concentrant ici sur la protection juridique des personnes majeures, que le Code civil encadre de manière très précise. Cette protection concerne des individus empêchés par la maladie, le plus souvent liée à la vieillesse, ou bien d’autres avec des troubles psychiatriques et/ou un handicap. (...)

Une mesure de tutelle peut être demandée par la personne elle-même, un membre de la famille, un proche ou une assistante sociale. Il faut alors contacter le juge des tutelles, qui va enquêter, en moyenne pendant six mois, pour savoir si la mesure est nécessaire ou non, et à quel degré. En France, seul un juge des tutelles est habilité à prendre une telle décision, en s’appuyant évidemment sur l’avis d’un médecin expert. Ces derniers sont désignés par le procureur de la République, et formés pour évaluer les capacités de leurs concitoyens. (...)

La mesure est décidée pour cinq ans minimum, durée révisable selon l’évolution de la situation.

Trois types d’accompagnement existent. La curatelle simple, qui est davantage un soutien, la personne conservant la gestion de ses comptes ; la curatelle renforcée, où la ou le mandataire a la main sur les comptes de la personne ; et la tutelle, mesure la plus contraignante. « La curatelle est une aide à la gestion alors que la tutelle est une véritable représentation de la personne, c’est beaucoup plus lourd » (...)

« Les abus sont très rares –pas inexistants, mais très rares. En trente ans de carrière, j’ai vu trois fois des mandataires détourner de l’argent. »
Jean-Marc Bourcy, juge des tutelles au tribunal de Saint-Nazaire
(...)

Près de 50% des mesures de tutelle sont suivies par la famille, qui se porte volontaire. Le juge des tutelles se doit de prendre le temps de la recevoir, comprendre ses motivations, déceler d’éventuels conflits familiaux. Certaines familles refusent. Pour d’autres, tout le monde souhaite être mandataire de la personne et aucun accord n’est trouvé. D’autres encore ne veulent pas amputer leur héritage et vont s’avérer pingres malgré les demandes de la personne. Certaines sont franchement malsaines. (...)

Les mandataires privés sont contrôlés « officieusement » par la famille et « officiellement par la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) » (...)

Accompagner sans s’immiscer dans la vie privée (...)

Les mandataires, souvent diplômés CESF (conseiller en économie sociale et familiale), assistante sociale ou titulaires d’une licence juridique, doivent au minimum avoir le Certificat national de compétence (CNC). L’association française de formation et d’étude des curatelles et des tutelles (AFFECT) est un des organismes agréés pour former ces futurs mandataires. Il faut compter 300 heures de formation et 350 heures de stage, avec un mandataire privé, une association ou à l’hôpital.

« Il faut beaucoup de délicatesse pour accompagner les gens. Ce sont des mesures violentes. On vient quand même retirer à la personne ses instruments de paiement. Les personnes se sentent brusquement dépossédées », observe Jacqueline Jean, vice-présidente de l’AFFECT et responsable pédagogique de la formation. Selon elle, « 20% des mesures ne devraient pas être dirigées vers un juge », mais pourraient être prises en charge par des travailleurs sociaux. (...)

Pour Patrick*, 53 ans et sous curatelle renforcée depuis une vingtaine d’années, « la vie est plus facile à gérer » grâce à la mesure. « Avec mon handicap, et celui de ma femme, on se sent plus protégés, ce serait compliqué sinon. La curatelle s’occupe de tout, ils gèrent nos difficultés, c’est une aide. Quand on a besoin de vêtements, d’aller chez le coiffeur, d’acheter quelque chose qui nous fait plaisir, il y a un virement de fait sans problème. »

Une étape parfois difficile à passer donc, mais qui, en réalité, va souvent durer dans le temps. Et se passer le mieux possible, si tant est, rappelle le juge des tutelles, qu’« un travail de dialogue ait été fait correctement au préalable », permettant l’instauration d’une relation de confiance. (...)