
Le ton est ainsi donné pour cet e-G8 Forum, où les internautes, les associations et les petites et moyennes entreprises sont reléguées au rang de simples spectateurs angoissés. En voyant défiler les personnalités sur l’estrade, on comprend que le net a changé de nature.
Présenté comme un évènement organisé dans le cadre du G8, l’e-G8 Forum n’a en réalité d’étatique que la communication faite par la France et par son président de la République. L’évènement organisé à la demande de Nicolas Sarkozy par Publicis est entièrement financé par les partenaires privés (Vivendi, Orange, Google, eBay, Capgemini, Microsoft...), qui ont tous mis entre 100 000 et 500 000 euros sur la table. La grand-messe aura coûté au total 3 millions d’euros, sans que le contribuable paye le moindre centime. Ce qui est sans doute bien pour le budget de l’état, mais excessivement néfaste pour l’idée que l’on se fait de la démocratie. (...)
Lorsqu’ils finissent de parler publiquement, ces hommes d’affaires (pardon, il y avait aussi une toute petite poignée de femmes) ne se mélangent pas au petit millier de participants, qui échangent poignées de mains, cartes de visite et discussions dans la partie réservée à la restauration et au "networking". Lorsque le soir, les participants à l’e-G8 sont conviés à une soirée privée au pied de l’Arc de Triomphe, les grands patrons du web se regroupent au Louvre.(...)
Même si l’e-G8 compte moins de 1500 participants pour environ deux milliards d’internautes concernés, une hiérarchie sociale s’impose.(...)
Lors de cette conférence, Frédéric Mitterrand a aussi démontré tout son mépris pour la société civile en général, et pour la Quadrature du Net en particulier. Dès que son porte-parole Jérémie Zimmermann s’est saisi du micro pour se présenter, le ministre a commencé à sourire et à mouliner de la main d’un geste particulièrement hautain qui voulait dire : "vos discours, on les connaît, je n’y prête aucune importance". Comme si les opposants à l’Hadopi et à la protection folle d’un droit d’auteur absolu sur internet n’avaient pas, eux aussi, entendu les mêmes discours depuis beaucoup plus longtemps encore(...)
Finalement, l’évènement le plus fort de ces deux journées aura été la conférence organisée dans l’urgence par des représentants de la société civile, mercredi à 11h du matin, pour protester contre le semblant d’unanimité affiché par l’e-G8 autour de l’objectif de régulation. C’est le seul moment où a été défendu à l’e-G8 l’espoir originel d’un internet tourné vers la liberté d’expression et la liberté de partage des oeuvres et du savoir. C’est la seule fois où a été dessiné un projet pour l’avenir qui ne soit pas le rétablissement des puissances et des mécaniques du passé, mais un projet humaniste tourné vers le mieux-être de la société tout entière. Une bulle d’air dans un environnement étouffant.