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Basta !
Comment les multinationales font main basse sur la reproduction animale
Article mis en ligne le 31 janvier 2016
dernière modification le 25 janvier 2016

Un taureau capable de produire plus d’un million de descendants, cinq races d’animaux qui dominent l’élevage mondial de vaches, cochons, poules, chèvres et moutons… Les industriels ont pris le contrôle de la sélection génétique des animaux de ferme.

Basta ! s’est plongé dans ce secteur, où se joue une guerre industrielle similaire à celle que connaît le marché de la semence végétale. La recherche de rentabilité immédiate aboutit aujourd’hui à une érosion terrifiante de la biodiversité animale. Alors que les problèmes sanitaires se multiplient, des éleveurs, des associations et des chercheurs s’organisent pour préserver la diversité des animaux d’élevage et préserver des espèces qui ne soient pas standardisées.

Une race d’animal d’élevage sur cinq est menacée d’extinction. L’alerte a été lancée dès 2008 par la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture [1]. Sur les 6 300 races d’animaux domestiques, 1 350 sont menacées d’extinction ou ont déjà disparu. Leur remplacement se fait au profit d’un nombre restreint de races d’élevage sélectionnées, la plupart du temps, pour leur productivité. (...)

Les critères de cette sélection génétique ? Grandir et grossir vite, produire beaucoup de lait, de viande ou d’œufs. « Les entreprises d’élevage se sont concentrées sur la maximisation de la production et les aspects commerciaux utiles, comme la croissance rapide, l’efficacité de la conversion alimentaire et des rendements élevés (...)

Parallèlement à cette réduction drastique de la diversité animale, une poignée de géants industriels influencent la génétique, comme le rappelle l’organisation indépendante britannique Econexus, qui regroupe des scientifiques et des citoyens [5] (...)

L’obsolescence programmée des hybrides de poulets

Après vingt ans de rachats et de fusions des entreprises du secteur, la concentration est sans précédent, en particulier dans la volaille. « Deux firmes contrôlent la production d’œufs, les deux autres, le marché de chair », alertent l’eurodéputé José Bové et le journaliste Gilles Luneau dans leur livre L’alimentation en otage [6]. Cette mainmise des multinationales tient à une innovation clé : l’introduction du poulet hybride, dans les années 40 par Henry Wallace, alors vice-président des États-Unis [7]. Le croisement de deux lignées sélectionnées de poules augmentent leur productivité. Problème : cette amélioration génétique ne survit que pendant une seule génération. « L’éleveur est obligé de racheter des poussins à chaque fin de cycle de production, expliquent Gilles Luneau et José Bové. Ce cycle s’accélère parce que les poulets “de chair” arrivent à maturité plus vite, et parce que les pondeuses, usées par la cadence, ne vivent pas aussi longtemps que leurs ancêtres rustiques. » Une innovation qui s’est étendue aux dindes, canards, porcs, saumons, crevettes, etc.

Mais cette course au rendement a un prix. Dans un système qui cloisonne la production d’œufs et de poulets de chair, les poussins mâles des pondeuses sont de trop. Environ 50 millions de poussins mâles sont tués chaque année en France, à leur naissance. Cette sélection intensive affecte le bien-être animal sur d’autres plans. C’est ce qu’a pu constater Christian Drouin, éleveur en Vendée. Sous pression financière, il s’est lancé, à la fin des années 90, dans l’élevage de volailles industrielles. « Je n’imaginais pas les problèmes sanitaires que cela allait engendrer, avec des animaux qui ne tiennent pas sur leurs pattes du fait d’une croissance trop rapide », confie-t-il. Comme la chair se développe beaucoup plus vite que le squelette, les poulets d’engraissement ploient sous le poids de leur propre corps... Au bout de un an, la souffrance morale combinée à l’absence de résultat amèneront cet éleveur à abandonner ce système industriel et à se tourner vers les volailles certifiées.

Pauvreté génétique animale, richesse des labos pharmaceutiques (...)

Ces droits de propriété intellectuelle déposés sur les animaux ou leurs gènes renforcent le contrôle de la reproduction du cheptel. Et menacent la survie de millions de petits exploitants agricoles, de pêcheurs et d’éleveurs. (...)

Près de 70 initiatives pour la conservation de la biodiversité animale domestique sont recensées en France [12]. Autant de graines de résistance à l’homogénéité promue par les géants de la sélection animale et à l’appauvrissement général.