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Slate.fr
Comment expliquer l’échec du féminisme en Italie ?
Article mis en ligne le 28 octobre 2017

La pluie de réactions misogynes envers Asia Argento, qui a affirmé avoir été violée par Harvey Weinstein, prouve que les Italiens semblent relativement imperméables à la vague féministe déclenchée par le scandale.

« Les Américains et les Italiens sont des créatures tellement similaires : nous ne nous intéressons qu’aux choses qui nous concernent », déplore non sans humour Guia Soncini.

Dans une tribune parue dans le New York Times, cette journaliste et écrivaine italienne s’insurge contre le machisme persistant de son pays natal, qui est selon elle resté imperméable à l’élan féministe suscité par l’affaire Weinstein.

En Italie, explique-t-elle, « il n’y a pas de scandale Harvey Weinstein. Ici, il y a le scandale Argento ».

Asia Argento accusée de mensonge
Pour rappel, l’actrice italienne Asia Argento avait été l’une des premières à affirmer haut et fort avoir été violée, à plusieurs reprises, par le producteur américain. Dans un élan de slutshaming et victimshaming généralisé, de nombreux médias transalpins avaient remis en cause les affirmations de la jeune femme.

Certains lui ont reproché de ne pas avoir parlé plus tôt, d’autres l’ont soupçonnée de s’être servie du sexe comme d’un tremplin pour sa carrière ou d’avoir, en réalité, été consentante. (...)

Entraînant un vif débat national, ces réactions témoignent de la « profonde misogynie » des Italiens, comme le résume le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro, qui a apporté son soutien à l’actrice.

Écoeurée par le manque d’empathie d’une partie de ses concitoyens, et se disant ainsi « doublement crucifiée » par le scandale Weinstein, Asia Argento envisage désormais de quitter l’Italie. Jusqu’à ce que les mentalités évoluent.

Des mœurs patriarcales profondément ancrées

Et c’est pas gagné, selon Guia Soncini, qui explique que les mœurs patriarcales sont profondément ancrées dans la tradition de cette terre méditerranéenne : (...)

Il y a toutefois nuance-t-elle, une prise de conscience progressive. Le succès du hashtag #Quellavoltache (« Cette fois où ») —l’équivalent de notre #Balancetonporc national— prouve que l’Italie n’a pas été totalement insensible à l’élan de révolte féministe déclenche par les révélations sur Harvey Weinstein.

Dans un article paru dans l’un des plus grands journaux italiens, Corriere Della Sera, plusieurs éminents journalistes masculins ont pris la défense d’Asia Argento en dénonçant « l’absence des hommes » dans le débat Weinstein. Et ce, souligne Guia Soncini, dans un pays où aucun journal n’est dirigé par une femme.

Sur les réseaux sociaux, les réactions féminines, elles aussi, témoignent du conditionnement sexiste en Italie. Un nombre non négligeable de femmes ont émis des doutes sur la véracité du témoignage d’Asia Argento. (...)

« Peut-être que ça découle, bien que ce soit un cliché italien, de notre historique avec la mafia. Notre attitude face à la vie rappelle celle de la famille Corleone : nos familles, nos amis, nos gangs passeront toujours avant tout concept abstrait de bien ou de mal. »
Au pays de la Botte, le patriarcat familial l’emporte encore sur l’idéologie féministe.