
Les 11 millions d’habitants de São Paulo ont frôlé la catastrophe il y a trois ans. Suite à une longue sécheresse et à une gestion désastreuse, les réservoirs destinés à approvisionner la ville en eau potable étaient vides. L’eau est pourtant abondante dans les sous-sols de cette mégalopole tentaculaire. Une ressource que plusieurs quartiers et leurs habitants apprennent à gérer eux-mêmes, comme un bien commun, grâce à la présence de sources souterraines urbaines, mais non polluées. Ils aménagent des parcs, des fermes, et des jardins communautaires parfois foisonnants. Cela jusqu’aux pieds des favelas. Reportage.
« Tout ce que nous produisons est bio, mais nous vendons à des prix accessibles », tient à préciser Vilma. La quadragénaire est originaire du Pernambuco, dans le nord-est du Brésil. Elle vit depuis 27 ans dans le quartier de São Miguel Paulista, dans la grande périphérie pauvre de l’est de São Paulo. Ce qu’elle produit ? Des aliments et des cosmétiques organiques faits à partir de plantes cultivées en permaculture dans une ferme communautaire, logée sur un lopin de terre au pied d’un ensemble d’habitat social. La ferme, appelée « Quebrada Sustentável » – qui peut se traduire par « cité » ou « ghetto » soutenable – existe depuis sept ans, sur un terrain mis à disposition par le bailleur social.
Aujourd’hui, c’est un jardin luxuriant, entretenu par une association d’habitants du quartier, avec bananiers, manguiers, maniocs, haricots, salades, brocolis, basilique, menthe, plantes médicinales… cultivés grâce à l’eau issue d’une source naturelle qui se trouve sous le terrain. En face de la ferme, l’eau s’écoule de la butte sur laquelle passe la ligne de train reliant cette banlieue est au centre de la ville.
« L’hydrographie de São Paulo est très riche »
« Cette eau est propre », tient à souligner Regiane Nigro, coordinatrice de l’association environnementale Kairos, qui accompagne un groupement d’une quinzaine de fermes urbaines de la périphérie est de la mégalopole. « Certes on ne peux pas la boire, mais elle n’est pas polluée par les égouts », comme l’est par exemple le fleuve Tietê, qui passe au nord du quartier. (...)
« l’hydrographie de São Paulo, en fait, est très riche », souligne la jeune femme. Elle permet à des projets comme celui-ci de s’approvisionner en eau sans la puiser au robinet. Dans le jardin communautaire Quebrada Sustentável, la source est canalisée et nourrit un système d’irrigation qui approvisionne toutes les plantations.
Un système d’assainissement à l’aide de bananiers (...)
« Nous accueillons aussi les enfants des écoles du quartier pour des ateliers », ajoute Vilma autour de beignets faits maison farcis à la taioba, une plante comestible dite « non conventionnelle » qui ressemble, cuite, à des épinards. Car le projet, et les produits vendus, sont avant tout destinés aux habitants du quartier, et non aux consommateurs des quartiers plus argentés de la mégalopole.
À Guaianazes, une ferme urbaine coopérative (...)
Le terrain est prêté par la municipalité.
Là aussi, ce sont des sources naturelles qui alimentent en eau les cultures. Une grande mare est aménagée derrière des rangées d’énormes bananiers. Les poissons, petits et grands, y nagent tranquillement. Le terrain abrite aussi plusieurs puits, couverts, pour ne pas favoriser la multiplication des moustiques, porteurs de la dengue, dont le Brésil a connu une recrudescence ces dernières années. Un système de tuyaux permet l’irrigation. Guaraciaba Elena boit même cette eau de source, une fois filtrée. Sous un auvent, il y a des poules et des lapins. (...)
Avec l’arrivée de cette nouvelle favela juste au-dessus de la ferme, les eaux usées de ces habitations des plus précaires menaçaient de souiller les terrains de la ferme. « Nous avons négocié avec eux pour que leurs eaux usées soient dirigées vers les systèmes d’égout qui existent autour, et qu’elles n’arrivent pas chez nous » (...)
Dans la zone ouest de São Paulo, dans le quartier beaucoup plus aisé de Pompéia, c’est la construction d’un nouvel immeuble de 22 étages qui menace la viabilité d’un projet participatif né il y a quatre ans. Ici, comme partout dans la ville, les rues sont bruyantes, la circulation automobile constante. Mais il y ce parc, à la végétation dense, aménagé depuis octobre 2016 sur une large butte. Il suffit d’y entrer pour que l’air change, moins chaud, moins pollué. Le bruit de la circulation s’y fait aussi plus discret. (...)