
Un dispositif expérimental destiné à renforcer la mixité sociale à l’école vient d’être annoncé par le ministère de l’Éducation nationale. Et il oublie le fond du dossier.
En France, l’école, très inégalitaire, voit le niveau des élèves les plus faibles régresser (comme le montre la comparaison des enquêtes Pisa entre 2003 et 2012). C’est une école dans laquelle ces élèves faibles appartiennent massivement aux catégories populaires. Une école dans laquelle la ségrégation scolaire se renforce. Ceci expliquant cela. (...)
« les 7.075 collèges de France présentent une très forte hétérogénéité en termes de composition sociale ». Comme le rappelait le Cnesco, « la ségrégation varie d’un département à l’autre et [elle] peut aussi opérer à l’intérieur d’un même établissement à travers des dispositifs d’option ou des classes de niveau ».
Promouvoir le « vivre-ensemble »
Voilà le constat à partir duquel Najat Vallaud-Belkacem et son équipe ont travaillé pour élaborer un dispositif expérimental destiné à « renforcer la mixité sociale dans les collèges », rendu public lundi 9 novembre.
Et ce constat, pour une fois, est clairement dressé par le ministère : la mixité sociale effraie les familles. Cette manière de dire –enfin– les choses frappe presque plus que les mesures prises : la carte scolaire n’est pas un outil efficace pour combattre le manque de mixité, et la contrainte ne fonctionne pas.
Un des conseillers de la ministre, Olivier Noblecourt, va jusqu’à souligner que les méthodes jusqu’ici employées pour maintenir de la mixité dans les collèges –options sélectives dans certains établissements comme les classes bilangues ou les classe de niveau– renforçaient plutôt l’idée que le séparatisme scolaire était une solution pour « protéger » les bons élèves des mauvais.
Il s’agit donc désormais de convaincre l’ensemble des citoyens que la mixité a un intérêt pour tous. Comprenez : y compris pour les bons élèves et y compris pour les bourgeois. Mais comment les convaincre de cela ? (...)
Comme l’écrit Najat Vallaud-Belkacem, il s’agit de considérer la mixité comme « une nécessité, au fondement du sentiment d’appartenance à un projet collectif ».
La ministre explique qu’il s’agit d’apprendre au futur citoyen à se confronter à l’altérité, ce qui lui fournira « des atouts pour la vie professionnelle future ». Cela donne aussi des compétences psychosociales et développe les capacités d’adaptation...
Il va y avoir du travail pour convaincre : actuellement, si quelques parents et associations prônent déjà la mixité sociale, ce qui semble donner des atouts dans la vie professionnelle c’est plutôt de savoir se distinguer à la manière des élites, et d’avoir un pédigree scolaire impeccable. (Ce qui confine d’ailleurs parfois au ridicule, comme le montre cet ahurissant article sur la très chic et ségréguée école du XVIe arrondissement.)
Expérimenter
Quelle méthode adopter pour promouvoir la mixité ? Celle de l’expérimentation, accompagnée et évaluée par un comité scientifique qui compte de grands noms de la sociologie scolaire... Dix-sept territoires dans dix-sept départements différents vont donc se lancer dans ce que le ministère appelle « une démarche pragmatique ». Des territoires qui permettent de travailler sur la mixité de manière variée et pour lesquels les évolutions seront étudiées par des scientifiques. (...)
il manque tout de même un élément primordial : le projet d’enseignement. Que la classe soit mixte, très bien. Mais comment enseigne-t-on dans une classe à niveaux et milieux multiples ?
En tant que parent, on a envie de s’assurer que les enseignants sont en mesure de mener la progression des apprentissages de tous au sein de classes hétérogènes. C’est le grand point aveugle sur lequel prospère la méfiance scolaire : quelle est l’efficacité pédagogique des professeurs et des établissements pour gérer la mixité sociale et scolaire ? Apprend-on suffisamment à gérer l’hétérogénéité en Espé (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) ? À travailler sur plusieurs niveaux à la fois ?
Les statistiques concernant la réussite scolaire montrent que celle-ci est corrélée au milieu social et à la profession des parents (oui, les enfants d’enseignants réussissent statistiquement bien à l’école) et, adossée à cette réalité, s’est peu à peu construite l’idée que la réussite est l’œuvre d’une coéducation qui ne dit pas son nom dans laquelle les familles assurent une partie du travail scolaire ou le délèguent quand elles le peuvent : la France est le premier consommateur de cours particuliers payants au sein de l’Europe.
L’école française fait globalement réussir les enfants de ceux qui les feraient réussir de toute façon. Il faut améliorer son efficacité pédagogique propre. Les enseignants doivent être en mesure (taille des classes, climat scolaire, formation, méthodes d’apprentissage) de faire monter le niveau de tous élèves. Quelle que soit la mixité des classes.