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le Monde
Climat : sauver la planète en préservant les libertés
Article mis en ligne le 4 janvier 2019

Seul un sursaut politique venant des élus et des citoyens peut nous permettre de concilier sauvegarde de l’humanité et survie de nos valeurs démocratiques.

Editorial du « Monde ».

Deux cents personnalités ont répondu, en septembre 2018, à l’appel de l’astrophysicien Aurélien Barrau pour une action politique face au changement climatique. Quelques jours plus tôt, ce chercheur avait publié, dans le journal en ligne Diacritik, un « Appel face à la fin du monde ». Convaincu, comme tous les intellectuels qui ont participé au supplément « Idées » que nous publions avec cette édition, que « la catastrophe est déjà en cours » et qu’elle constitue « un crime contre l’avenir », Aurélien Barrau estime qu’il est désormais « vital que les décisions politiques drastiques – et contraignantes, donc impopulaires – soient prises ». (...)

Le dilemme est vertigineux : faut-il renoncer à la démocratie pour endiguer le réchauffement climatique, ou attendre que celui-ci ait raison de la démocratie, voire de notre civilisation ? Car l’équation est malheureusement simple. (...)

voilà que ressurgit le spectre de la dictature écologique, mis en évidence dès 1979 par le philosophe allemand Hans Jonas. Réduire notre consommation (et donc abandonner une partie de notre confort), organiser le contrôle de la démographie humaine et peut-être celui de la pénurie : Jonas avait théorisé ces problèmes cruciaux.

Le scénario du pire

Pour éviter de les affronter directement, il préconisait de les anticiper, en développant au plus vite notre responsabilité. Mais il évoquait déjà, pour assurer la survie de l’espèce humaine, ce qu’il considérait comme le scénario du pire : le recours à « une tyrannie bienveillante, bien informée et animée par la juste compréhension des choses ». Un régime autocratique qui lui semblait plus à même de « réaliser nos buts inconfortables » que nos démocraties. (...)

Si l’on en croit au contraire les partisans du transhumanisme, qui rêvent d’améliorer l’espèce humaine pour la rendre capable d’affronter le monde qui vient, on risque fort de réaliser la prophétie dessinée par le philosophe et psychanalyste Pierre-Henri Castel : aborder une période où riches et puissants profiteront des ultimes ressources qui nous restent, au prix de l’aggravation des injustices planétaires et de la disparition d’une part notable des sept milliards d’êtres humains. Les mêmes, après avoir géré la croissance et l’abondance, géreraient la pénurie. A leur seul profit.

Entre ces deux sombres perspectives, il nous reste la liberté de choisir une autre voie. Un sursaut politique d’une force considérable – venant tant des élus, des autres pouvoirs, que des citoyens – peut encore nous permettre de concilier la sauvegarde de l’humanité et de la vie sur Terre, dans sa diversité, et la survie de nos valeurs démocratiques. (...)