
Le Haut Conseil pour le climat identifie des blocages dans les transports et le bâtiment et l’absence d’intégration des objectifs climatiques dans les politiques publiques.
(...) Dans cette évaluation de l’action française, publiée et remise au premier ministre mardi 25 juin, les onze experts (climatologues, économistes, ingénieurs, etc.) formulent sept propositions afin d’accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’inscrire la transition vers une économie bas carbone au cœur des politiques publiques, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas. (...)
« Les efforts de la France sont réels, mais ils sont nettement insuffisants et n’ont pas produit les résultats attendus. Tant que l’action en réponse au changement climatique restera à la périphérie des politiques publiques, la France n’aura aucune chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », résume la climatologue Corinne Le Quéré, de l’université britannique d’East Anglia, qui préside le HCC.
L’Hexagone s’est donné un cap ambitieux : atteindre la neutralité carbone en 2050, en divisant les émissions par au moins six et en absorbant les rejets résiduels par des puits de carbone naturels (forêts, zonees ms humides, etc.) ou des techniques de séquestration. De quoi permettre, si tous les pays s’engageaient dans la même voie, de contenir le réchauffement planétaire à 1,5 °C d’ici à la fin du siècle, en cohérence avec l’accord de Paris de 2015. (...)
Des engagements insuffisants. Les engagements pris en 2015 par les pays ayant ratifié l’accord de Paris, même s’ils sont tous appliqués, sont "largement insuffisants pour stabiliser le réchauffement climatique à venir", estime le Haut Conseil pour le climat.
• Les objectifs nationaux ne sont pas atteints. Pour tenir ses engagements dans le cadre de l’accord de Paris, la France s’est fixée d’atteindre la neutralité carbone en 2050, c’est-à-dire des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles. Pour y arriver progressivement, des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre à court et moyen termes ont été fixés. Le premier de ces budgets carbone couvrait la période 2015 à 2018 et il a été dépassé de 3,5%. "La baisse des émissions de 1,1% par an en moyenne pour la période 2015-2018 est beaucoup trop faible et très inférieure à la décroissance visée de 1,9% par an soutenant ce premier budget", constate le HCC.
• Des budgets carbone mal définis. Non seulement les budgets carbone ne sont pas respectés, mais le HCC critique aussi la manière dont ils sont définis. (...)
Car l’objectif de neutralité carbone que s’est fixé la France "ne couvre pas l’entière responsabilité de la France car les émissions liées aux transports aériens et maritimes internationaux et aux importations ne sont pas incluses", explique le HCC. (...)
Des changements structurels insuffisants
Par changements structurels, le Haut Conseil pour le climat entend les transformations du système d’infrastructures, les investissements en faveur de l’efficacité énergétique ou encore les désinvestissements dans les filières qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre.
• Dans le secteur des transports. Le constat du HCC pour le transport de voyageurs est celui d’une croissance de la demande et d’un retard dans l’électrification des transports. Pour ce qui est du transport de marchandises, le HCC pointe un faible transfert vers le rail. Il questionne d’autre part les politiques publiques, "telles que l’absence de l’éco-taxe ou les exonérations de fiscalité sur les carburants pour certaines activités."
• Dans le secteur des bâtiments. La réduction des émissions dans ce secteur dépend surtout de la consommation d’énergie pour le chauffage des bâtiments. Or le HCC fait état d’une consommation énergétique qui stagne au lieu de diminuer, de "rénovations peu performantes" et d’"un retard dans l’élimination des chauffages les plus carbonés", c’est-à-dire ceux fonctionnant au fioul domestique et au charbon. De plus, le HCC dénonce le fait que "près de la moitié des logements en location du parc privé sont des passoires énergétiques".
• Dans le secteur de l’énergie. Pour la période 2015-2018, le HCC estime que la consommation de gaz a légèrement augmenté et que celle de pétrole a diminué mais deux fois trop lentement. Seule celle de charbon a diminué de manière satisfaisante. Pour ce qui est des énergies renouvelables, l’objectif de déploiement fixé ne devrait être que partiellement atteint. (...)
Globalement, le Haut Conseil pour le climat fait état d’un manque d’investissements pour le climat, qui ont atteint 41,4 milliards d’euros en 2018, surtout dans les secteurs clés des transports, des bâtiments ou encore dans la production d’énergie. A titre de comparaison, les investissements qui entretiennent l’utilisation des énergies fossiles en France ont atteint 75 milliards d’euros en 2017.
Une action publique à réévaluer (...)
• Prendre en compte les objectifs "bas carbone" dans les lois hors climat. (...)
En France, "ces subventions prennent principalement la forme d’exonération fiscale comme le remboursement des taxes de carburant aux transports routiers", explique le HCC. "Il s’agit donc de supprimer ces exonérations fiscales, tout en accompagnant les entreprises et les ménages impactés par ces suppressions."