
Dans le texte de l’Accord de Paris se trouve le paragraphe suivant :
« L’objectif de l’Accord de Paris est de renforcer la réponse globale à la menace du changement climatique (…) en contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. »
Pour faire court, ce que ce passage signifie, c’est qu’il faut être plus ambitieux pour limiter le réchauffement climatique. Et qu’il faut tout particulièrement s’appliquer à limiter le réchauffement à 1,5 °C, et non à 2 °C.
Si la différence entre 1,5 °C et 2 °C peut sembler dérisoire, ce demi degré est en fait lourd de conséquences. (...)
Depuis les discussions de la COP21 en 2015, les scientifiques ont étudié la cible de 1,5 °C. Les questions sont nombreuses : sous quel délai nous devons cesser de brûler du charbon et du pétrole ? Combien de fermes éoliennes et solaires nous devons construire ? Sous combien de temps devons-nous basculer d’un système où les voitures gourmandes en énergies fossiles sont omniprésentes à un système de transport radicalement moins émetteur de gaz à effet de serre ?
Une nouvelle étude, commandée par Greenpeace et réalisée par le Centre aérospatial allemand (DLR), s’attache à répondre à cette dernière question : à quelle date devons-nous mettre un terme à la vente de véhicules alimentés avec des énergies fossiles ?
La réponse ? Très bientôt.
Le dilemme de la voiture
Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, tous les secteurs industriels doivent engager des changements radicaux (transports, énergie, agriculture, industrie, bâtiments…).
Si faire en sorte que chaque secteur change ses pratiques peut sembler irréalisable, il faut rappeler que cette transition est déjà en cours pour certains d’entre eux. (...)
Le secteur des transports est le seul secteur majeur qui a vu ses émissions de gaz à effet de serre augmenter ces dernières années, avec des ventes de voitures à la hausse et une demande pour des véhicules plus gros (les fameux SUV) qui aggrave le problème.
Alors que les constructeurs automobiles sont à la manoeuvre pour saboter les plans de réduction des émissions, certains pays, comme le Royaume-Uni ou la France, ont fait des annonces programmant la fin de la vente des véhicules alimentés aux énergies fossiles d’ici 2040.
Mais l’année 2018, ses records de chaleurs et ses feux de forêts posent la question suivante : peut-on vraiment attendre si longtemps pour se confronter au problème ? (...)
sans cadre pour forcer les industriels à changer, la vitesse à laquelle les véhicules carburant aux énergies fossiles ne seront plus en circulation sera loin d’être suffisante pour empêcher le secteur d’exploser son budget carbone. (...)
En bref, nous avons dix ans devant nous pour mettre un terme à la vente des véhicules essence, diesel et hybrides. (...)
Quand certains pays montrent la voie à suivre
Un changement aussi radical ne se fera pas facilement, mais la bonne nouvelle est que certains pays ont déjà ouvert la voie. Comment ? En réduisant la place de la voiture, en accélérant la fin des véhicules diesel et essence, et en misant sur le vélo et les zones piétonnes.
C’est par exemple le cas de la Norvège. Les dispositifs encourageant l’achat de véhicules électriques ont tellement de succès que plus d’un tiers des nouveaux véhicules vendus sont désormais électriques. La Norvège a également prévu d’interdire la vente de nouveaux véhicules essence et diesel à partir de 2025. C’est 15 ans plus tôt qu’en France et au Royaume-Uni.
En parallèle, pour réduire la pollution de l’air, la capitale scandinave a créé des zones sans voitures pour encourager la marche et l’utilisation du vélo.
La Norvège n’est pas parfaite et exporte encore beaucoup trop de pétrole et de gaz. Mais si plus de pays suivaient son exemple en ce qui concerne la fin des véhicules polluants, nous serions bien plus efficaces dans notre lutte contre le changement climatique.(...)
La France devrait assumer une position ambitieuse dans ce cadre, alors qu’elle est déjà en retard de plus de 10% sur ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre dans le secteur des transports.
Les gouvernements européens, et en particulier le gouvernement français, doivent se fixer un cap pour la fin de vente des voitures alimentées aux énergies fossiles qui soit cohérent avec l’Accord de Paris.
Nous devons penser bien au-delà des voitures (...) les voitures électriques ont un coût pour l’environnement et ont également un impact climatique. De plus, elles ne pourront faire partie de la solution qu’à certaines conditions qui ne sont aujourd’hui pas remplies, comme la transition vers une électricité 100% énergies renouvelables. (...)
Une vraie stratégie de long terme pour les transports doit aussi prendre en compte la construction de plus de pistes cyclables et d’infrastructures encourageant l’utilisation du vélo, pour que le plus grand nombre puisse faire à vélo des trajets aujourd’hui effectués en voiture. Il s’agit aussi d’améliorer l’offre de transports en commun et de les rendre plus abordables, et d’augmenter ainsi le nombre de trajets réalisés en bus et en train. Il s’agit aussi d’investir dans le partage de véhicules de sorte à réduire la quantité de véhicules sur la route.
Le résultat serait une pression réduite sur les ressources naturelles, puisque moins de voitures serait également synonyme d’une baisse de la demande en acier et en plastique pour la construction de nouveaux véhicules, ainsi qu’une baisse de la demande sur les ressources nécessaires aux véhicules électriques.
Ce serait aussi un chemin plus direct vers un air plus sain, avec plus de véhicules polluants retirés des routes plus tôt.
Pour finir, ce serait se donner les chances de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et de continuer à vivre dans un monde vivable.