
À l’occasion de la réforme des retraites, nous voyons progressivement émerger, en filigrane, un autre débat : celui qui oppose "valeur travail" et "droit à la paresse". Une alternative pour le moins mortifère !
À l’occasion de la réforme des retraites, émerge en filigrane un autre débat, celui qui oppose "valeur travail "et "droit à la paresse". Il est urgent de sortir de cette alternative. C’est un débat mortifère parce qu’il a été posé n’importe comment, mais qui nous confronte malgré tout, à des questions fondamentales. Tout cela est parti d’une déclaration de Sandrine Rousseau en septembre dernier, sur franceinfo contre Fabien Roussel, qui critiquait "la gauche des allocations", elle revendiquait au contraire "le droit à la paresse". À l’époque, cela avait créé une vive controverse… controverse qui ressurgit, aujourd’hui, avec la réforme des retraites. Le week-end dernier, dans Le Parisien, Gérald Darmanin a fustigé "le gauchisme paresse et bobo", auquel il oppose "les belles valeurs du travail, de l’effort, et du mérite."
Revendiquer la "paresse", n’est-ce pas un peu étonnant de la part d’une responsable politique ? Il s’agit en fait d’un clin d’œil au livre Le droit à la paresse, écrit à la fin du XIXe siècle par Paul Lafargue, un militant marxiste français. Le seul problème, c’est que, dans le contexte actuel, cette référence a tout obscurci. Parce que oui, il existe effectivement un débat autour du travail, mais il n’a rien à voir avec une quelconque revendication à la paresse.
Sortir du rapport marchand au travail
Il faut en revenir au sociologue Bernard Friot. Ses travaux nous confrontent à un paradoxe perturbant : comment se fait-il que nous soyons incapables de percevoir le travail en dehors d’un rapport marchand ou salarial ? Je m’explique, avec des exemples très simple. Une femme qui reste chez elle pour s’occuper de ses enfants : on dira qu’elle ne travaille pas ; elle est femme au foyer. En revanche, une assistante maternelle qui fait la même chose, elle s’occupe d’un ou plusieurs enfants : elle, elle travaille. Un prof de français qui, sur son temps libre, offre des cours d’alphabétisation, c’est un engagement. Un prof embauché par une association pour faire de l’alphabétisation, c’est un travail ! Un passionné de musique qui passe ses weekends à tourner avec sa fanfare : c’est un loisir. Le même musicien décroche des cachets et obtient son intermittence, là soudain, c’est un travail. Pourtant, à chaque fois, l’activité est la même. Et, surtout : la valeur créée pour la collectivité est la même !
Pour comprendre ce paradoxe, il va falloir en revenir à la définition même de ce qu’est le travail.