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le Monde Diplomatique
Ceux qui disent « non » malgré la peur
« Seul dans Berlin », de Hans Fallada
Article mis en ligne le 3 avril 2014
dernière modification le 31 mars 2014

Un SA (1) s’étonne : « Ils ont tous peur ! Mais pourquoi, en fait ? Tout est si facile pour eux ! Ils n’ont qu’à faire ce qu’on leur dit. » Ainsi une dictature s’imagine-t-elle que l’idéal de l’humanité consiste à penser comme on défile à Nuremberg : bras levé et cervelle aplatie. Or il y a toujours des gens qui, en dépit de la peur, sont prêts à résister et à opposer un barrage de papier à une déferlante d’idéologie. Ici, il n’y a ni chars, ni batailles, ni avions. On n’est pas du côté des grandes manœuvres et des vastes plaines, mais du côté de l’intime et du privé, à Berlin.

On attrape toujours la vraie vie par ce qu’elle a de plus minuscule. Et quoi de plus minuscule que la résistance d’un homme et d’une femme pas tout jeunes dans un Berlin exalté par la capitulation de la France en 1940 ? « Les événements de ce livre reprennent à grands traits des dossiers de la Gestapo concernant l’activité illégale d’un couple d’ouvriers pendant les années 1940 à 1942 », peut-on lire au début de l’avant-propos de l’auteur à ce roman. Tout repose sur une histoire vraie. Peu de temps après la fin de la guerre, en 1947, Hans Fallada — de son vrai nom Rudolf Ditzen, né en 1893 — se voit confier par Johannes Robert Becher (futur ministre de la culture en République démocratique allemande) des documents de la Gestapo sur les actes de résistance d’Otto et Elise Hampel.

Fallada n’est pas un inconnu, mais il n’est pas non plus considéré comme un grand auteur, à l’égal de Thomas Mann ou de Hermann Hesse. En outre, il n’a pas choisi l’émigration et est resté en Allemagne pendant la guerre. Fallada hésite, puis finalement se lance dans l’aventure romanesque. En moins de quatre semaines, il écrit ce splendide récit de plus de sept cents pages dont il ne verra jamais la publication. Il meurt en effet quelques mois plus tard, épuisé par l’alcool et la cocaïne. (...)

Suffoqué par la mort de son fils sur le front de l’Ouest, un couple sans histoire se désolidarise du parti nazi et décide de faire œuvre de résistance en déposant dans des endroits divers des cartes postales où sont inscrits à la plume des slogans antinazis. Arrêtés deux ans plus tard, mari et femme sont exécutés. Mais le roman ne s’attache pas qu’à eux : il met en scène et croise les vies de tous les habitants de leur immeuble. La première version a été expurgée, car Becher semble n’avoir pu admettre, notamment, que ces époux résistants aient eu des antécédents nazis. Mais Fallada n’était pas un bon écrivain pour rien. (...)