
Voyager en avion est ce qui est le plus polluant. Les possibilités de limiter le transport aérien et ses émissions de gaz à effet de serre ne manquent pourtant pas. Voici un tour d’horizon des propositions concrètes... que le gouvernement Macron refuse d’étudier.
Alors que les experts français du climat annoncent un réchauffement pouvant aller jusqu’à 7 degrés d’ici 2100, la France vient d’adopter une loi sur les mobilités... qui fait l’impasse sur le transport aérien. (...)
le recours à l’avion ne cesse de grimper, en particulier sur des trajets courts, alors même que des alternatives existent.
En Suède, le pays de Greta Thunberg, le problème que pose le développement du transport aérien pour le climat est de plus en plus discuté. En France aussi, des propositions se font entendre pour limiter le recours à l’avion. Pendant les discussions autour de la loi sur la mobilité, plusieurs parlementaires ont déposé des amendements en ce sens. Ils n’ont pas été retenus, mais démontrent que des mesures concrètes sont tout à fait possibles. Encore faut-il que la volonté politique suive.
1. En finir avec les vols intérieurs courts
C’est le sens des propositions initiées par le député de La France insoumise François Ruffin (...)
. En Allemagne, les vols intérieurs font aussi débat au regard de la crise climatique. Cet été, la chef de file du parti de gauche Die Linke a proposé de ne plus rembourser aux parlementaires leurs trajets professionnels en avion pour les voyages en Allemagne, ce qui les inciterait à se reporter sur le train.
En France, s’il est difficile pour les 27 députés ultra-marins et les onze députés des Français établis hors de France de ne pas prendre l’avion, ce n’est pas le cas des 539 autres députés métropolitains. (...)
François Ruffin propose également d’interdire l’aviation privée, celle des jets réservés aux plus riches. Des vols qui sont encore plus émetteurs que les vols commerciaux. (...)
2. Taxer les billets d’avions et le kérosène
Aujourd’hui, le kérosène des avions est exonéré de TVA et de taxe carbone (la TICPE, taxe sur les produits pétroliers), à laquelle sont au contraire soumis l’essence et le gazole. Le train, lui aussi, supporte la contribution au service public de l’électricité. De plus, le taux de TVA sur les billets d’avion est réduit à 10% sur les vols nationaux, les billets internationaux n’étant soumis, eux, à aucune TVA ! En mai, l’organisation européenne Transport and environnement révélait une étude commanditée par la Commission européenne, mais qui n’a pas été publiée : celle-ci met en lumière la fiscalité très avantageuse en Europe pour le transport aérien. L’étude démontre aussi qu’une taxation environnementale du transport aérien ferait significativement diminuer les émissions de gaz à effet de serre, avec un impact négligeable sur l’emploi. (...)
Aucune de ces propositions n’a a été acceptée par la majorité. La loi définitive ne contient qu’une petite mesure concernant l’aviation : affecter une partie de la taxe de solidarité sur les billets d’avions (la taxe dite « Chirac » qui existe depuis 2005) à l’Agence de financement des infrastructures de transports, qui finance les transports en commun et le train. Mais cette taxe n’est que d’un euro pour la classe économique, et d’au maximum 12 euros pour les billets en classe affaires. Une nouvelle écotaxe sur les billets d’avion pourrait néanmoins être adoptée. « Ce serait entre 1,5 et 18 euros, ce qui n’est pas suffisant pour réduire les émissions », précise Lorelei Limousin. L’État espère que cette taxe très légèrement réévaluée lui rapportera 180 millions d’euros, bien moins que la fiscalité en vigueur au Royaume-Uni ou en Allemagne. De son côté, le Réseau action climat demande une taxe comprise démarrant à 20 euros, et jusqu’à 100 euros pour les vols long courrier en classe affaires. (...)
3. En finir avec les subventions publiques au transport aérien
En plus d’être moins taxé, le transport aérien est directement subventionné. (...)
4. Ne pas compter sur de « fausses solutions », tels les agrocarburants
« Nous faisons déjà beaucoup », tentent de se défendre les acteurs du transport aérien. Pour ne pas réduire leur croissance, et donc les émissions de gaz à effet de serre qui l’accompagnent, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) mise depuis des années sur la compensation carbone. En 2016, l’OACI a adopté un accord international appelé « CORSIA » [4]. Son principe : pour ne pas réduire ses propres émissions, le secteur aérien s’engage à les compenser via des certificats de réduction d’émissions provenant d’autres acteurs économiques et financiers, qui affirment les avoir réduites dans leur propre secteur ou dans une autre région du monde (voir notre article).
« CORSIA est un mécanisme de compensation très faible, avec très peu d’engagements environnementaux. Et il est très peu transparent. Ce n’est pas un mécanisme de réduction des émissions, et il n’est donc pas adapté à l’urgence climatique » (...)
La production d’agrocarburants a elle-même des conséquences écologiques désastreuses, dont la destruction de vastes zones forestières. Leur utilisation ne fait donc que déplacer les émissions de gaz à effet de serre vers l’agriculture. « Technologiquement, aujourd’hui il n’y a pas d’alternatives crédibles au kérosène et à ses émissions », ajoute le Réseau action climat. (...)
5. Convaincre les usagers d’arrêter de prendre l’avion
C’est la mission que s’est donnée la Suédoise Maja Rosèn. En 2018, elle a lancé la campagne « Rester au sol » (Stay on ground) pour tenter de convaincre 100 000 personnes en Suède de ne plus prendre l’avion d’ici 2020. La campagne a depuis essaimé au Royaume Uni. (...)
Le débat public sur l’avion en Suède a déjà eu des effets très concrets. Le trafic aérien intérieur suédois était en août de 10 % inférieur à son niveau de l’année précédente. Le trafic global a baissé de 4% [6]. « Les choses bougent aussi au niveau politique, même si les politiciens continuent à soutenir des projets de nouveaux aéroports et d’agrandissement d’aéroports, ajoute Maja Rosèn. Je pense qu’il faut une combinaison d’actions individuelles et d’actions de politique climatique qui viennent des pouvoirs publics. »