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Slate.fr
Ces mères qui déballent la vie de leurs mômes sur internet
Article mis en ligne le 28 février 2021
dernière modification le 27 février 2021

Cela fait plus de dix ans que Christie Tate écrit sur sa famille et publie le résultat en ligne. Aujourd’hui, sa fille est assez grande pour s’en rendre compte. Après avoir reçu un ordinateur portable pour Noël, relate Tate dans un essai publié dans le Washington Post début janvier et largement partagé, la petite de 10 ans n’a pas tardé à demander à sa mère : « Pourquoi est-ce qu’il y a toutes ces photos de moi sur internet ? »

Elle a demandé si tous les billets et toutes les photos qu’elle avait trouvées grâce à Google pouvaient être supprimées. « Je lui ai dit que ce n’était pas possible », raconte Tate. Et en outre, « je n’ai pas fini d’explorer ma maternité dans mes écrits ».
« Besoin » de raconter (...)

Elle admet que ce n’est pas la première fois que quelqu’un qu’elle connaît réellement lui demande de faire preuve d’un peu plus d’empathie dans ses révélations en ligne.
Dans l’article long comme le bras où elle défend sa décision de continuer d’écrire sur sa parentalité –comprendre sur la vie de sa fille–, Tate tente de donner un vernis féministe à ce genre d’insensibilité. (...)

Droit de veto

Il paraît clair que Tate n’estime pas avoir à s’excuser pour grand-chose. « J’ai relu certains de mes vieux posts, et aucun ne me semblait gênant, même si [ma fille] pourrait être d’un autre avis », fait-elle remarquer.

Elle poursuit en évoquant un article d’elle dans le Washington Post, où elle raconte le moment où la meilleure amie de sa fille a mis un terme à leur relation avec un petit mot. Dans ce papier, elle défend le choix de la fillette de rompre –parce qu’elle avait besoin « d’espace pour explorer d’autres amitiés »– et juge que « la façon d’aimer [de sa fille] peut être écrasante ». Voilà qui a dû être plutôt douloureux à lire pour la principale intéressée.

En compulsant vite fait ses divers blogs personnels, j’ai sans difficulté trouvé des mentions de ses enfants qui faisaient caca, de leurs « crottes de nez croustillantes » –oui, désolée– et de ses déconvenues face à divers travers familiaux. (...)

Tate est certainement un cas extrême dans le domaine de l’autojustification narcissique, mais si elle était la seule autrice à utiliser les ressorts internes de sa famille comme une marchandise, cet épisode ne serait guère plus que de la matière pour alimenter la future psychothérapie de sa fille.

Le problème, c’est qu’elle fait partie d’une génération entière d’autrices, d’instagrameuses et de YouTubeuses qui ont transformé leurs anecdotes familiales quotidiennes en contenus. Il s’agit d’enfants dont les caprices sont devenus viraux, à qui l’on a joué des tours pour récolter des LOL dans l’émission de Jimmy Kimmel et qui deviennent des marques dès la maternelle. Et certaines de leurs mères amassent un bon petit pactole.

Lucidité des jeunes

Maintenant, ces enfants grandissent. Leta Armstrong, la fille de Heather Armstrong, du blog de parentalité pionnier Dooce, a confié à Slate l’année dernière se souvenir s’être sentie mal à l’aise pour la première fois à cause de l’un des posts de sa mère en CM1, à peu près au même âge que la fille de Tate –aujourd’hui, elle a un droit de veto sur tous les posts la concernant.

D’autres autrices de blogs sur la parentalité se sont déjà retirées du jeu pour préserver leurs enfants. (...)

La génération de ces enfants a une approche différente de l’exposition en ligne. Les jeunes ont beau passer leur vie sur les réseaux sociaux, la plupart sont très lucides lorsqu’il est question de partager des photos et de vrais noms sur internet. Beaucoup utilisent des comptes de réseaux sociaux séparés avec leurs amis proches et ont appris à l’école ce qu’il fallait savoir sur la sécurité dans le monde virtuel.

En 2016, une étude universitaire englobant 249 duos parent-enfant a découvert que les enfants avaient des instincts bien plus draconiens que leurs parents en termes de nouvelles technologies : ils étaient deux fois plus susceptibles de dire que les parents ne devraient pas poster en ligne des informations sur leurs enfants sans leur autorisation. (...)

la génération de gamins dont on a l’impression qu’ils montrent tout en ligne est en réalité bien plus futée sur la manière de se présenter –et de se protéger– que leurs parents. Et dans dix ou vingt ans, ce sont eux qui commenceront à écrire leurs autobiographies.