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Ces combats qui nous ont rendus lucides
Greenpeace France Une histoire d’engagements, Les Liens qui Libèrent, 22 euros.
Article mis en ligne le 31 mars 2019
dernière modification le 29 mars 2019

Greenpeace France fête ses quarante ans avec un livre de David Eloy racontant ses combats pionniers quand l’écologie était minoritaire et diabolisée. J’en ai écrit la préface que je publie ici pour vous inviter à découvrir cette histoire.

euros
Aujourd’hui, le défi écologique, l’urgence climatique et le danger nucléaire nous semblent une évidence. Du moins dans la société vivante et consciente, telle qu’elle s’exprime, s’organise et se mobilise, face aux pesanteurs, conservatismes et inconsciences des États et des puissances, des pouvoirs politiques et des intérêts économiques. (...)

Fin 2018, la pétition citoyenne « L’affaire du siècle », initiée notamment par Greenpeace France, a ainsi atteint près de 2 millions de signatures en une dizaine de jours afin de soutenir, « au nom de l’intérêt général », la décision d’ « attaquer l’État français en justice pour qu’il respecte ses engagements climatiques et protège nos vies et nos territoires ».

Signe d’une prise de conscience désormais largement partagée, ce succès est redevable aux pionniers dont on découvrira ici les audaces assumées et les épreuves traversées. Endurant calomnies et moqueries, espionnage et répression, drames et souffrances, ils nous ont appris cette vérité dont nous ne pourrons plus nous défaire : à savoir que nous ne sauverons la Terre qui nous a vu naître que par nos résistances, nos mobilisations et nos combats, leurs inventions et leurs crédibilités. (...)

Ils et elles ont durablement affronté une bonne conscience gouvernante et savante, technocratique et idéologique, militaire et économique, qui refusait catégoriquement tout questionnement sur l’irresponsabilité et l’inconscience d’un monde enivré par la puissance. Ils furent d’abord confrontés, comme on le serait à une secte inébranlable, au culte du feu nucléaire, ce soi-disant « équilibre » de la terreur qui ne fait qu’accroître le déséquilibre de la planète tant il est le fourrier d’une course infernale aux armements et, donc, à la dissémination des armes de destruction massive.

Ils furent ensuite en but aux moqueries des climato-sceptiques qui, du haut de cette ignorance que peut générer un savoir spécialisé, refermé sur lui-même, refusant la pluridisciplinarité et indifférent à la complexité, délégitimaient leurs alertes pionnières sur la mise en péril du vivant, la destruction des espèces, le dérèglement irrémédiable provoqué par les révolutions industrielles successives de notre modernité. Aujourd’hui que leur combat est apparemment consacré, officiellement reconnu et promu par grand nombre d’États et de gouvernements, on aurait tort d’oublier combien il fut difficile, parfois douloureux, souvent risqué.

L’histoire française de Greenpeace en témoigne de façon tristement exemplaire. (...)

Témoin en 1985 comme journaliste d’enquête des malheurs de Greenpeace, j’ai eu le sentiment en refermant ce récit que cette épreuve était de ces défaites momentanées auxquelles le temps passé accorde la victoire finale. La cause écologique détermine désormais toutes les autres exigences, sociales, démocratiques, économiques. Elles sont indissociables tant l’injustice, l’exploitation et l’oppression sont inséparables de la dilapidation des richesses, de la destruction des espèces et de l’extinction du vivant. Faire ainsi cause commune exige, aujourd’hui encore plus qu’hier, de ne compter que sur nous mêmes.

Se souvenir du drame de 1985, c’est ainsi comprendre que, non seulement, nous ne pourrons jamais faire confiance aux seuls États pour nous sauver, mais qu’il faudra aussi les affronter pour obtenir ce changement de cap qui évitera le désastre général. (...)

Car les aveuglements d’hier sont de retour, avec une violence redoublée tant les sociétés qu’ils affrontent sont aujourd’hui plus averties, conscientes et mobilisées. Aux Etats-Unis comme au Brésil, mais ces exemples ne sont pas les seuls ainsi que le montre la sourde crise européenne, des élections récentes ont consacré des discours obscurantistes qui habillent, tels des oripeaux foutraques, les politiques illuminées de pouvoirs autoritaires, au service d’intérêts économiques socialement minoritaires, épousant qui plus est une idéologie identitaire, d’exclusion et de repli. (...)

du courage, de la volonté et de l’énergie, de l’engagement en somme, il va nous en falloir pour faire face au devoir qui nous requiert : sauver la Terre, dont nous ne sommes que des résidents passagers, de la catastrophe où la démesure de notre espèce l’entraîne.