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Mediapart
« Ces attaques, c’est du pur populisme » : des figures du cinéma soutiennent Justine Triet
# cinema #justineTriet #culture #liberalisme
Article mis en ligne le 1er juin 2023

Audrey Diwan, Rebecca Zlotowski, Stéphane Brizé, Dominik Moll, Lætitia Dosch, Robert Guédiguian… sur Mediapart, des personnalités du cinéma apportent leur soutien à Justine Triet, Palme d’or à Cannes pour son film « Anatomie d’une chute ». Son discours choc accusant le gouvernement de « casser l’exception culturelle française » a suscité la colère de la majorité et déclenché une foule de commentaires ciblant les artistes.

onMediapart, la réalisatrice Rebecca Zlotowski salue la prise de parole de Justine Triet, Palme d’or 2023 à Cannes, qui a dénoncé devant les caméras et le monde du cinéma réuni la « contestation historique, extrêmement puissante, unanime de la réforme des retraites », « niée et réprimée » par le gouvernement.

Avant de contester « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend, qui est en train de casser l’exception culturelle française, sans laquelle je ne serais pas là aujourd’hui devant vous ». (...)

Quelques minutes après le discours de Justine Triet, la ministre de la culture Rima Abdul-Malak, s’est dite « heureuse » de la récompense tout en fustigeant un « discours injuste » qui l’a « estomaquée ». Mardi 30 mai dans « Quotidien » (TMC), la ministre a réclamé « un peu d’honnêteté intellectuelle », s’inquiétant de « discours excessifs qui laissent penser qu’on est en train de détruire notre modèle d’exception culturelle, alors qu’on l’a renforcée ».

Son tweet a pourtant ouvert la porte à toutes sortes de déclarations et articles fustigeant sa liberté de ton, ses arguments ou encore les artistes « biberonnés aux aides publiques », auxquels il faudrait « arrêter de distribuer autant ». (...)

Quant à Emmanuel Macron, il n’a toujours pas félicité Justine Triet, dixième Palme d’or française à Cannes, alors qu’il s’était empressé de le faire en 2021 lorsque Julia Ducournau l’avait emportée pour son film Titane.

« Justine Triet a bien évidemment mon soutien : ce qu’elle dit est essentiel, estime Stéphane Brizé, réalisateur de la La Loi du marché avec Vincent Lindon, primé meilleur acteur aux César en 2016. La pensée libérale irrigue et pervertit tout notre système : l’éducation, le soin, la justice et la culture. Tout est géré et pensé en termes d’optimisation financière au détriment des femmes, des hommes et de la pensée. » (...)

« Qu’une artiste ait la conscience politique de s’exprimer sur le système qui la fait vivre et qu’elle fait vivre, ses inévitables craintes de dérives, me semble louable, libre et sain, poursuit Rebecca Zlotowski, notamment réalisatrice de Grand Central, sélectionné à Cannes en 2013. Son discours s’inscrit dans une tradition très française des acquis sociaux et culturels à défendre, à laquelle je souscris. » (...)

« Justine Triet a des inquiétudes, elle les manifeste : on pourrait en discuter, non ? »
Audrey Diwan, réalisatrice (...)

Réalisateur de 23 films, comme Les Neiges du Kilimandjaro, La Villa et Gloria Mundi, Robert Guédiguian s’alarme lui aussi du discours de la ministre. (...)

Robert Guédiguian rappelle comment le modèle de financement est organisé : « Les gens ne cessent de dire que France 2, c’est de la subvention. Mais en ce qui concerne Anatomie d’une chute, pour moitié, la chaîne est coproductrice du film ; et pour l’autre moitié, c’est un pré-achat de diffusion ! France 2 va donc gagner de l’argent. Bien sûr que France 2 est un service public, mais ils ne font aucun cadeau : l’avance sur recettes, ça se rembourse. Après avoir ramé pendant des années, grâce à mon film Marius et Jeannette et à d’autres films qui ont eu du succès, aujourd’hui, j’ai remboursé les avances que j’ai reçues. »

« La ministre alimente le discours réactionnaire sur les élites subventionnées qui crachent dans la soupe. » Robert Guédiguian, réalisateur (...)

« Je ne pensais pas que [le discours de Justine Triet] allait déclencher un tel “shitstorm” », avoue Dominik Moll, six fois primé aux César 2023 pour son film La Nuit du 12. Il s’étonne d’un gouvernement qui « ne supporte pas la critique, ne supporte pas que des réalisateurs ou des artistes ouvrent leur gueule comme ça a toujours été le cas et critiquent ». Avec son tweet, ajoute-t-il, la ministre « donne l’impression que c’est elle qui a inventé l’exception culturelle ».

En avril, en plein conflit sur la réforme des retraites, Dominik Moll a publiquement critiqué, devant le ministre Pap NDiaye, un « gouvernement et un président qui préfèrent imposer plutôt que dialoguer, le mépris au respect et à l’écoute, cliver plutôt qu’unir ».

Après cette intervention devenue virale, il dit lui aussi « avoir eu droit à la rengaine de l’artiste subventionné ». Un discours « faux », martèle-t-il. (...)

Lundi 30 mai, « face aux attaques », la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) a exprimé « son soutien sans réserve à Justine Triet et à son discours solidaire et engagé lors de la remise de la Palme d’or ». « Nous rappelons que chacun a le droit inaliénable de critiquer le pouvoir en place, quand bien même il s’agirait d’un ou d’une cinéaste ayant bénéficié d’un financement public, estime la SRF. Que ce soit sur la réforme des retraites, les dérives autoritaires de notre démocratie ou les tentations néolibérales qui menacent le secteur, ces craintes ont été maintes fois exprimées. » La Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) lui a aussi apporté son soutien. « Les aides publiques, qui représentent une part minoritaire dans le financement des films, ne peuvent en aucun cas conduire à un assujettissement des créateurs », écrit l’ARP. (...)

« J’ai trouvé magnifique que Justine prenne la parole sur la réforme des retraites, j’étais fière d’elle, explique l’actrice Lætitia Dosch, qui a tourné pour elle dans le film La Bataille de Solférino. Voir cette grande cinéaste qui remet le sujet sur le tapis au moment où le monde entier l’écoute, ça m’a beaucoup émue. »

Étonnamment, dit-elle, « c’est le passage de son discours le plus oublié ».