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Basta !
Ces Lorrains qui luttent courageusement pour un avenir dépollué de l’héritage minier
Article mis en ligne le 4 juillet 2017

C’est une victoire judiciaire qui en appelle d’autres : le 30 juin, la compagnie Charbonnages de France a été condamnée à verser 5,9 millions d’euros à Rosbruck, une commune lorraine, sinistrée par les dégâts miniers. Dans cette région, la vie de milliers d’habitants est empoisonnée par d’anciennes mines de fer et de charbon, dont les exploitants ont laissé derrière eux d’immenses problèmes : maisons fissurées à la limite de l’effondrement, rivières mortes à force d’être goudronnées, pollution des nappes phréatiques, risque d’inondations... Habitants, élus et associations luttent ensemble sur le front judiciaire et législatif. Alors que des mines de sel sont toujours en activité et que des permis d’exploration de gaz de houille viennent d’être accordés, ils se désespèrent des orientations prises par la réforme du code minier, qui écarte les enjeux environnementaux. Mais conservent une détermination intacte pour défendre les droits des générations futures. Reportage.

« Il n’y a rien qui vous choque ? » C’est la première question posée par Joëlle Pirih lorsqu’on entre chez elle. Rien de visible de prime abord, mais une sensation de malaise tout de même, similaire à celle du mal de mer. Le regard s’accroche alors à des cales disposées à plusieurs endroits de la maison pour mettre à niveau le mobilier ou retenir les portes qui menacent de claquer. « Il y a 3 % de pente dans la cuisine », annonce Joëlle. Une inclinaison de trois centimètres par mètre. « D’un bout à l’autre de la maison, en diagonale, il y a 45 centimètres de différence ! »

La maison de Joëlle et Gaston penche, et c’est loin d’être la seule à Rosbruck, village mosellan de 785 habitants situé à la frontière franco-allemande, non loin de Forbach. De nombreuses façades arborent de larges fissures. « Quatre-vingt maisons ont été détruites dans la commune : leurs fondations n’étaient pas suffisantes pour résister à l’affaissement », énonce Gaston.

En cause selon les habitants : les veines de charbon que les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), filiale de l’établissement public Charbonnages de France, ont creusé sous le village. (...)

Bernard Glanois, membre de la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) de Rosbruck, mène sans relâche depuis vingt ans une bataille judiciaire contre HBL. « Ils ont utilisé le foudroyage pour faire des économies. S’ils remblayaient, la tonne de charbon coûtait 750 francs ; là, c’était 75 francs. Mais leur calcul était faussé car ils ne tenaient pas compte des dégâts en surface, ni de l’écologie ! » Selon les expertises réalisées, le quartier où résident Joëlle et Gaston Pirih est descendu de douze mètres entre 1984 et 2005. « Nous avons construit dans les années 80 en toute ignorance d’une exploitation future », déplore Gaston. Avec Joëlle, ils ressentaient parfois des vibrations. Puis, ils ne sont plus arrivés à fermer les fenêtres. « Peu à peu, l’eau de pluie a commencé à s’écouler contre le mur, l’humidité est montée, les pièces ont moisi. A la mairie, on nous disait que ce n’était pas la faute des mines, mais de malfaçons. »

En 2003, HBL cesse l’exploitation de la mine. La maison mère, Charbonnages de France, est dissoute cinq ans plus tard. Difficile pour les habitants du bassin houiller de savoir contre qui ils peuvent désormais se retourner. (...)

Onze ans de batailles judiciaires

La mobilisation des habitants sinistrés s’est traduite en mars 2001 par l’élection d’un nouveau maire, Pierre Steininger, à la tête d’une liste citoyenne. « Rosbruck est la commune la plus sinistrée du bassin houiller lorrain », atteste t-il, évoquant les dysfonctionnements des réseaux d’assainissement, le « déficit d’image » et la « perte de rentrées fiscales » avec le départ de 250 habitants en moins en dix ans. Bien décidé à faire reconnaître les dégâts miniers – évalués à 8,7 millions d’euros par des experts – le maire a finalement obtenu gain de cause après onze ans de bataille judiciaire. En août 2016, le tribunal de grande instance (TGI) de Sarreguemines a fait verser par l’État une provision d’un million d’euros à la commune pour le préjudice subi.

Ce 30 juin 2017, le tribunal a statué sur le montant précis de l’indemnisation pour Rosbruck : il a condamné Charbonnages de France à payer 5,9 millions d’euros. « Franchement c’est quand même une belle victoire pour la commune » (...)