
Les chansons racontent la société (Louis-Jean Calvet) et le patrimoine français compte bon nombre de chansons engagées, subversives et contestataires, qu’il s’agisse d’attaquer la monarchie au début du XIXe siècle, de soutenir la lutte des résistants pendant la deuxième guerre mondiale, de défendre la liberté d’expression ou l’antiracisme.
Certaines de ces chansons françaises –et leurs auteurs– ont subi des procès, suscité des débats politiques. D’autres sont devenus de véritables monuments culturels. Selon Morgan Jouvenet, ce phénomène culturel s’explique par le fait que l’artiste ne se limite pas à manipuler paroles et musique ; il est aussi le membre d’une communauté culturelle qui exprime avec ses chansons un point de vue sur la société.
Béranger : en prison pour avoir critiqué la monarchie
Deux fois emprisonné en raison de ses chansons engagées, considéré comme un poète majeur, l’auteur Pierre-Jean de Béranger a été un des artistes les plus importants de la première moitié du XIXe siècle.
Il fut un artiste très populaire, apprécié et admiré pour ses paroles subversives à la fois sensibles et profondes. Le clergé, la noblesse et Napoléon étaient ses sujets les plus récurrents ; mais ses attaques les plus virulentes visaient la monarchie des Bourbons (1814–1830). (...)
Les paroles antimonarchiques et favorables à la liberté de la presse de ses chansons lui ont valu d’en découdre avec la justice. Il fut emprisonné pendant trois mois en 1821, puis dix mois en 1829. Tout comme lui, au début du XIXe siècle , plus de deux mille personnes ont été emprisonnées pour délits d’opinion.
Son deuxième emprisonnement le rendit encore plus populaire et fit de lui une véritable légende. Plus de deux cents personnes lui rendirent visite, y compris les intellectuels, romanciers et poètes les plus prestigieux du moment. En prison, il continua à écrire et à publier de paroles subversives, et son incarcération lui fit gagner encore plus d’influence. (...)
Le « Chant des partisans », un monument historique
Lors de la Seconde Guerre mondiale et sous l’occupation, les chansons représentaient symboliquement le camp que l’on soutenait. « Le Chant des partisans » (1943) était l’hymne de la Résistance. Cachés dans les bois, prévoyant des sabotages, les maquisards savaient qu’ils n’étaient pas seuls s’ils entendaient au loin quelqu’un siffler l’air de cette chanson.
Les chansons permettaient concrètement d’étendre le soutien à la Résistance. Mais il fallait faire attention et esquiver la censure. Les chansons étaient envoyées par courrier à trois personnes proches et partageant les mêmes convictions. Dans l’enveloppe, on trouvait la partition, les paroles, les instructions précises pour poursuivre la chaîne et, surtout, pour ne pas être découverts.
La France considère que le rôle de ces chansons pour la Libération a été si important que le manuscrit des paroles du « Chant des partisans », composé par Maurice Druon et Joseph Kessel, a été déclaré monument historique en 2006. Il est conservé depuis au musée national de la Légion d’honneur. (...)
« Qui a construit cette route ? Qui a bâti cette ville ? Et qui l’habite pas ? À ceux qui se plaignent du bruit, à ceux qui condamnent l’odeur, je me présente : je m’appelle Larbi, Mamadou, Juan et faites place. »
Désormais, évoquer « Le bruit et l’odeur » renvoie à la fois au discours de Chirac et à la chanson de Zebda, et c’est devenu une expression qui évoque le racisme en général. Ce n’est qu’en 2009 que Jacques Chirac avouera son erreur lors d’une interview à la radio. (...)
Dans l’ouvrage Cette chanson qui emmerde le Front national on trouve une compilation de cinquante chansons qui s’en prennent au parti politique d’extrême droite.
Des groupes célèbres comme IAM, Assassin, NTM, Zebda et les chanteurs tels que Francis Cabrel, Renaud ou Diam’s s’attaquent à travers leurs paroles non seulement aux idées extrémistes du Front national, mais aussi à leurs dirigeants, insultes incluses. Un phénomène qui peut surprendre dans d’autres pays où la liberté d’expression ne permet pas s’exprimer d’une manière si explicite. (...)
Le groupe Sniper a été mis en cause le 27 juillet 2004 pour incitation à blesser ou tuer des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ainsi que pour injure, trois mois après avoir interprété la chanson « La France ». Le procès s’est terminé par une relaxe. De son côté, le groupe a exigé des excuses de la part du ministre, menaçant de porter plainte contre lui pour ses déclarations populistes et diffamatoires.
Peu de temps après, Sniper a publié une nouvelle version de la chanson avec le titre « France, itinéraire d’une polémique ». Les paroles disent la même chose que sur le titre « France », mais d’une autre manière, et relatent les ennuis du groupe avec la justice (...)
De Béranger à Sniper, il semble que la chanson contestataire, en France, reste un fil rouge de la liberté d’expression.