
Derrière l’objectif officiel d’aller « vers une meilleure gestion des flux migratoires », l’institutionnalisation de la détention des étranger-e-s ne cesse de criminaliser celles et ceux que l’on désigne comme indésirables sans pour autant donner preuve d’efficacité par rapport à l’objectif de départ.
600.000 migrant-e-s environ sont détenu-e-s chaque année dans les pays de l’Union européenne, adultes et enfants, le plus souvent sur la base d’une simple décision administrative. Leur détention – bien souvent nommée par des euphémismes comme « rétention » ou « maintien »– peut durer jusqu’à 18 mois, selon le droit européen, dans l’attente d’une expulsion qui n’aura lieu que pour la moitié des personnes en instance d’expulsion[1] et les renverra vers leur pays d’origine ou vers un pays tiers, avec lequel ils n’ont souvent aucun lien important.
Le fondement ? Deux textes européens prévoient la rétention administrative pour les migrant-e-s et systématisent une telle privation de liberté :
– la directive relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (directive « Accueil ») ;
– la directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive « Retour » appelée aussi « directive de la honte »).
Leur crime ? Aucun. Ces personnes sont uniquement venues ou ont séjourné de manière irrégulière dans le pays dans lequel elles sont enfermées. Elles se sont déplacées conformément au droit fondamental de tout.e citoyen.ne du monde, à savoir quitter le pays où il/elle se trouve, y compris le sien[2] , et à l’idée que l’Union européenne est un espace où les droits fondamentaux sont respectés.
Or, une fois enfermées, ces personnes ne sont pas seulement privées de leur liberté de circulation, mais aussi, le plus souvent, de leur vie privée et familiale ainsi que de conseils juridiques et/ou de soins de santé adéquats à leur situation, d’un contrôle juridictionnel effectif sur la privation de liberté et l’expulsion, etc.
La campagne Open Access Now, lancée en 2011 par les réseaux Migreurop et Alternatives Européennes, a pour objectif la fermeture de tous les camps d’étranger-e-s en Europe et au-delà et, en attendant, d’exiger et de renforcer la visibilité et la transparence sur les réalités de la détention des migrant-e-s.
Cette campagne est menée par un comité de pilotage international composé de Migreurop, Alternatives Européennes, La Cimade (France), Anafé (France), Arci (Italie), Sos Racismo (Espagne), Ligue des Droits de l’Homme (Belgique), Ciré (Belgique) et Frontiers Ruwad (Liban).
Il s’agit, via les actions et les outils mis en place dans le cadre de la campagne, de faire connaître la réalité et les conditions de l’enfermement des étranger-e-s en Europe et au-delà, jouer un rôle d’alerte et de défense des étranger-e-s détenu-e-s et témoigner sur les conséquences de cet enfermement dans les camps, théâtres quotidiens de violations des droits fondamentaux. (...)
l’accès aux camps est strictement encadré, limité, voire empêché, pour les journalistes et la société civile. (...)
nous demandons :
– un accès inconditionnel de la société civile et des médias à l’information et aux lieux d’enfermement,
– que soient garantis dans les textes et en pratique le respect et l’exercice effectif des droits des personnes détenues qui ne doivent plus être confrontés à des traitements inhumains et dégradants
– que les parlementaires européen-ne-s et nationaux-ales et autres personnes, institutions ou organisations dont l’accès est garanti visitent les lieux d’enfermement et encouragent l’évolution des législations nationales et européennes pour mieux défendre les droits des étranger.e.s détenu.e.s.