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Capital
COMPTES DE CAMPAGNE DE JEAN-LUC MÉLENCHON : "CEUX QUI RESPECTENT LES RÈGLES SONT DÉSAVANTAGÉS" REGRETTE ANTICOR
Article mis en ligne le 19 octobre 2018

Les faits qui valent à Jean-Luc Mélenchon d’être entendu par les policiers figuraient en partie dans la plainte déposée par l’association Anticor en juin dernier. Son président Jean-Christophe Picard nous les détaille.

l’association Anticor, qui lutte contre la corruption et pour l’éthique en politique, avait déposé plainte en juin contre Jean-Luc Mélenchon mais aussi contre Emmanuel Macron, Benoît Hamon et Jean-Marie Le Pen. Elle rappelait notamment que le rapporteur du dossier à la CNCFP avait estimé à 1,5 million d’euros les dépenses litigieuses du candidat de la France Insoumise. Somme ramenée ensuite par la CNCCFP à 434 939 euros.(...)

En septembre dernier, le procureur François Moulins avait classé sans suite cette plainte d’Anticor. Mais s’agissant de Jean-Luc Mélenchon, l’explication était toute simple : la justice était déjà au travail suite au signalement de la CNCFP. Dans un courrier adressé à l’avocat d’Anticor, le procureur écrivait ainsi : « Sur le fondement de ce signalement, du 16 mars 2018, et au motif que les surfacturations dénoncées tendent à faire sérieusement suspecter l’existence de manœuvres délibérées destinées à tromper l’organe de contrôle, aux fins d’obtenir des remboursements sans cause, j’ai fait diligenter une enquête préliminaire qui est toujours en cours ».

Pour Capital, Jean-Christophe Picard, le président d’Anticor revient sur cette plainte.(...)

A Anticor, nous ne voyons pas de difficultés sur le principe à ce qu’il y ait une perquisition dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte, comme c’est le cas ici. Tous les partis sont soumis aux mêmes lois, bien évidemment. Donc oui, je suis un peu étonné que certains se soient ainsi opposés ce mardi à cette perquisition.

Jean-Luc Mélenchon dénonce une opération de « police politique » ça vous surprend ?

Je pense utile déjà de rappeler que dans ce pays toutes les formations politiques ont été je crois perquisitionnées. A chaque fois, chacun a crié au complot... Rappelez-vous, pendant la campagne présidentielle, François Fillon avait promis d’apporter la preuve de l’existence d’un cabinet noir. On attend toujours.

Ceci posé, on peut apporter un bémol : si le cordon ombilical entre le parquet et le ministère de la Justice était coupé, ça éviterait à certains d’avoir des interrogations et des doutes sur d’éventuelles interventions dans les décisions de justice. Mais je tiens à souligner que, dans cette affaire, la perquisition a été avalisée par le juge des libertés et de la détention qui, lui, est un magistrat indépendant.(...)

Nous aurions souhaité, nous l’avons déposée en ce sens, que notre plainte aboutisse non pas à l’ouverture de deux enquêtes (ouvertes contre Jean-Luc Mélenchon et contre Emmanuel Macron, au parquet de Lyon ndlr) mais à quatre. Elle concerne bien quatre candidats, et notamment madame Le Pen. Ce n’est donc pas le cas. Pour ce qui est de monsieur Mélenchon, il s’agit de soupçons de surfacturations derrière lesquelles on retrouve des proches ou des sociétés proches.

Jean-Luc Mélenchon a par le passé signé les chartes et engagements Anticor, non ? Celles que vous soumettez aux candidats aux élections. Lors des législatives de l’année dernière, par exemple...

Oui, il a même signé pour la présidentielle. A travers la charte, il fallait s’engager à respecter certaines mesures, mais une fois élu seulement. Il n’y avait rien qui concernait la campagne électorale elle-même.(...)

là où je suis un peu étonné c’est surtout pour madame Le Pen. Les faits reprochés à monsieur Mélenchon peuvent être aussi reprochés à madame Le Pen qui a fait travailler des sociétés amies. De façon générale, si ce que nous dénonçons est légal, il faut qu’on réglemente. Car cela revient à s’enrichir en faisant campagne.(...)

Le candidat achète à des prix au-dessus du marché des prestations à des sociétés dirigées par des proches. Outre leur enrichissement personnel, cela peut permettre de payer des militants, et également d’avoir un trésor de guerre. C’est ce qui est reproché au Front national, visé par une autre enquête concernant d’autres élections. Ils seront d’ailleurs bientôt convoqués au tribunal pour ces faits. Ils sont soupçonnés d’avoir vendu des kits de campagne surfacturés à leurs candidats, obligés de passer par ce système.(...)

Au final, au-delà du détournement d’argent public, la véritable question c’est la rupture d’égalité entre les candidats. Ceux qui respectent scrupuleusement les règles du code électoral sont désavantagés : leurs candidats et militants seront la plupart du temps bénévoles, leurs sources de financement seront plus réduites… En définitive, on est face désormais à un énorme problème démocratique. Quand on a comme ça des combines qui permettent de s’enrichir pendant les campagnes électorales, c’est un peu comme avec le dopage dans le cyclisme. Les coureurs sains se retrouvent en concurrence avec les coureurs dopés !(...)

Que faire, alors ?

Nous avons lancé une grande pétition pour des campagnes propres. Il faut une réforme du financement des campagnes et des règles du jeu de la vie politique. Il conviendrait, à l’évidence, de réformer la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne dont les pouvoirs et les moyens doivent être renforcés. On souhaite également quelque chose de tout simple pour l’élection présidentielle : instaurer une sanction d’inéligibilité dans le cas d’un rejet des comptes de campagne pour fraude. Il faut le savoir, c’est assez bizarre, l’élection présidentielle est la seule dans laquelle le candidat dont le compte de campagne est rejeté pour fraudes n’est pas déclaré inéligible... (...)

Si on ne modifie par la loi et le code, dans quatre ans, on aura exactement la même conversation.