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Non-Fiction
CINEMA – "Toto et ses sœurs" d’Alexander Nanau – Portrait lumineux d’une enfance en péril
Toto et ses soeurs a remporté le Grand Prix d’Angers le 24 janvier, Spartacus & Cassandra est sorti en salles le 11 février
Article mis en ligne le 6 avril 2015
dernière modification le 1er avril 2015

Pour sa 27e édition, le festival Premiers Plans d’Angers a attribué son Grand Prix à Toto et ses sœurs, deuxième long métrage du réalisateur allemand Alexander Nanau. Pour la deuxième fois seulement en 27 ans, le jury a décidé de consacrer un documentaire. Il faut dire qu’à première vue, Toto et ses sœurs a des allures de fiction, tant Alexander Nanau y fait le choix de masquer sa présence en proscrivant le recours à un dispositif documentaire trop visible : ici, pas de voix-off, pas de recadrages soudains qui chercheraient à donner une impression de réalité ou à exprimer une intention trop évidente, pas de scènes en prise unique, etc. Pourtant, tout est vrai dans le film, le réalisateur n’en fait aucun mystère.

Pendant plus d’un an, il a suivi de jeunes Roms – Totonel et ses deux grandes sœurs, Andreea et Ana – vivant à Ferentari, un quartier pauvre de Bucarest.
C’est le quotidien de ces jeunes gens, livrés à eux-mêmes depuis que leur mère a été emprisonnée pour trafic de drogue, que le réalisateur filme avec une justesse assez remarquable. Alexander Nanau évite de se montrer trop intrusif pour capter le plus fidèlement possible un quotidien qu’on devine (et qu’on constate) invivable pour ces enfants. C’est que leur situation et leur personnalité même suscitent naturellement l’empathie : forcer le trait instaurerait une atmosphère pathétique qui serait indécente ; saisir simplement – et cela n’a rien de simple – la réalité suffit. (...)

La réalité est signifiante, encore faut-il être capable de saisir et de transmettre ce qu’elle a à dire. C’est cette neutralité revendiquée, cette absence d’intervention et de jugement, combinée à une vraie intelligence dans la manière de poser la caméra où il faut, au bon moment, qui donne une telle impression de justesse. (...)

Un film lumineux, voilà ce qu’est paradoxalement Toto et ses Sœurs. Si Alexander Nanau n’occulte pas – fort heureusement – les conditions de vie déplorables auxquelles Toto et ses sœurs sont confrontés, il cherche surtout à capter et à décrypter le regard que les enfants portent eux-mêmes sur leur quotidien : leurs interrogations, leurs incompréhensions, leur souffrance, mais aussi leur insouciance et leurs joies. D’une situation tragique émergent alors quelques lumières. (...)

Le film n’est ni plombant, ni idéaliste : il se contente (avec un certain art) de restituer simplement le réel dans toute sa complexité, sans chercher à manipuler le spectateur. S’il n’a, à ce jour, pas encore trouvé de distributeur, le succès mérité qu’il rencontre en festival – il a reçu de nombreux prix dont, très récemment, l’objectif d’or du festival Millenium de Bruxelles – nous laisse espérer que cela ne saurait tarder.