
Romain Garbaye est professeur de civilisation britannique à l’Université Sorbonne nouvelle-Paris-III. Il est l’auteur de « Emeutes vs intégration, comparaisons franco-britanniques », paru en janvier dernier aux éditions Les presses de SciencesPo. Il analyse les émeutes à la lumière du projet conservateur de "big society", où les citoyens prennent eux-mêmes en charge les services publics autrefois gérés par l’Etat.
Depuis plusieurs mois, on fustige le multiculturalisme comme un échec au profit de ce que vous appelez « le néo-assimilationnisme »…
(...)une analyse en termes de ségrégation ethnique n’a pas beaucoup de sens pour interpréter les émeutes d’aujourd’hui. La question de la ségrégation sociale, par contre, semble prendre de plus en plus d’importance, car Londres recèle des poches de pauvreté qui sont parfois juste à côté de quartiers riches. La focalisation des émeutiers sur le pillage semble révéler une frustration de ne pouvoir participer à la société de consommation qui propulse la question des inégalités sociales au premier plan. (...)
Ce qui est sûr, c’est que ces politiques ne favorisent pas un climat d’harmonie entre les dirigeants et les couches populaires de la population. L’importance du pillage suggère l’importance des inégalités sociales qui était moins visible auparavant du fait de la dimension ethno-raciale plus affirmée des violences. C’est pourquoi la poursuite des coupes sombres dans les budgets sociaux va probablement être plus difficile à justifier pour David Cameron. Il est aussi ironique qu’il ait choisi de justifier sa politique de désengagement de l’Etat par la notion de « big society », qui signifie une société dans laquelle des groupes de citoyens locaux prennent en charge les services autrefois gérés par des employés publics. Comme certains commentateurs britanniques ne se sont pas privés de le faire remarquer, on peut voir dans l’apparition de groupes d’auto-défense dans certains quartiers livrés aux émeutes, et désertés par une police débordée, une première concrétisation de la « big society »... (...) Wikio