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François Ruffin
Burn-out : « Ne vous lancez pas là-dedans, c’est ‘hors tableau’ »
Article mis en ligne le 19 juin 2019

Mon copain David était l’heureux directeur d’un Lidl, avant de se faire jeter. C’est en l’accompagnant chez une avocate qu’on a imaginé notre proposition de loi sur le burn-out. Ce mercredi, il repasse au tribunal contre sa direction. Voici son témoignage.

« On peut gagner sur deux terrains, annonce Maître Cittadini. Il faut voir si on peut rattacher votre inaptitude à la faute de l’employeur, qui a une obligation de sécurité physique et mentale envers ses salariés. Et puis sur l’absence de recherche de reclassement. Il faudrait des attestations médicales… »

David en sort des liasses, les ordonnances pleuvent sur le bureau, les expertises médicales suivent.

C’est un ancien copain de foot, David. Il bossait chez Lidl, à Longueau, près d’Amiens, comme directeur. Mais l’année dernière, il a poussé la porte de Fakir :

« La nouvelle chef de réseau m’a assailli de reproches, de critiques, mis plus bas que terre. Tous les jours elle était sur mon dos. A force, j’ai fait un burn-out.

Je les ai tous vus, le psychiatre, le psychologue, jamais je n’aurais pensé mettre les pieds là-dedans. Quand je suis entré là-bas, à l’hôpital, je me suis demandé : mais où je suis ? Mon frère, lui, il a carrément fait un malaise dans son magasin. Les pompiers l’ont transporté, mais ça n’a pas été reconnu comme un accident du travail. Il a demandé une rupture conventionnelle, après vingt ans de boutique… »

A deux, avec sa collègue Karine, ils égrenaient les cas :

« Ma chef de caisse, elle est toujours en maladie pour dépression.

– Jessica, elle fait des heures de dingue, pour y arriver, garder son boulot…

– Lynda, ils ne voulaient plus d’elle comme directrice, elle a carrément signé une lettre, pour demander à être rétrogradée ! D’elle-même ! Après quinze ans de boîte ! Elle s’est soumise, dans l’espoir de garder un boulot… »

On l’a recroisé par hasard, à la gare.

C’était le jour de son procès aux prud’hommes. Il attendait son délégué syndical, Jocelyn, un Antillais de Guingamp.

On a reçu un SMS, plus tard : c’était gagné, sa cause. Mais bon, Lidl faisait appel, et cette fois, Jocelyn ne le sentait pas. Il lui faudrait un avocat. T’en connaîtrais pas un ? « ça doit se trouver », on a répondu.

Et on a trouvé.

Maître Cittadini, donc, au cœur de Paris, à côté de Bastille. (...)